08 - A L'ECOLE DE LA BEAUTE

 

A L'ECOLE DE LA BEAUTE

 

« Je suis noire, mis je suis belle, filles de Jérusalem,

comme les tentes de Kédar, comme les pavillons de Salomon.

Ne prenez pas garde à mon teint noir: c'est le soleil qui m'a brûlée.

Les fils de ma mère se sont irrités contre moi,

ils m'ont faite gardienne des vignes. Ma vigne, à moi, je ne l'ai pas gardée.»

(Cantique des cantiques 1.4)

 

          Le roi Salomon a été saisi par l'admirable beauté d'une jeune campagnarde, la Sulamithe. Il l'a faite emmener dans son palais. Il cherche à gagner son amour par toutes sortes de fastes et de promesses: toilettes brillantes, élévation à la dignité de reine. Mais la jeune fille a déjà donné son cœur à un autre. Elle aime un berger de sa contrée, et elle y reste fidèle.

 

          Maintenant, la Sulamithe paraît vraiment dans ce Cantique, et elle parle. Nous commençons à faire sa connaissance.

 

Pour bien comprendre le texte

 

          « Je suis noire ». Il ne s'agit pas du teint noir des Africains, mais de la couleur de la peau brûlée par le soleil. Sulamith prononce ces paroles en comparant son teint hâlé, bronzé, à celui des jeunes citadines, les « filles de Jérusalem », dont elle est entourée.

 

          « Les tentes de Kédar ». Lisons Psaume 120.5: « Malheureux que je suis de séjourner à Meschec, d'habiter parmi les tentes de Kédar ! »; et Esaïe 21.16: « Encore une année, comme les années d'un mercenaire, et c'en est fait de toute la gloire de Kédar ».

          Kédar était une tribu arabe, nomade, issue d'Ismaël, et qui habitait non loin du golfe oriental de la mer Rouge. Cette tribu désigne, dans les textes nommés ci-dessus, les Arabes septentrionaux en général. Or, les tentes de ces Arabes nomades étaient, en général, noircies par le soleil, et laides; ou bien, elles étaient faites de poils de chèvre de teinte noirâtre.

 

          « Les pavillons de Salomon », ou « tentures ». Ils fermaient les passages d'un appartement à l'autre, dans le palais royal. Ils ne pouvaient être admirés, bien évidemment, que de l'intérieur.

 

Du point de vue d'Israël

 

          « Ne prenez point garde à mon teint noir: c'est le soleil qui m'a brûlée ». Le noir est la couleur de la nuit, de l'exil, de la souffrance d'un peuple brûlé par l'injure de l'Histoire, et par ce qui fut sa vie. Ce verset résume tout le parcours d'Israël.

 

          « Les fils de ma mère se sont irrités contre moi, ils m'ont faite gardienne des vignes. Ma vigne, à moi, je ne l'ai pas gardée ». C'est une allusion au changement qui s'est opéré dans le genre de vie d'Israël, surtout à l'époque de Salomon. Souvenons-nous qu'à la demande des chefs de tribus, le peuple est passé du genre de vie agricole et pastoral, à l'assujettissement d'un rude service civil et militaire. « C'est le soleil qui m'a brûlée ». Ils ont réclamé l'établissement de la royauté.

 

          « Gardienne des vignes ». Un langage poétique et symbolique évoquant la perte pour Israël de sa liberté primitive. De nombreux soldats devaient garder les territoires conquis sous la royauté de David, et qu'il avait légués à son fils Salomon. Ces territoires allaient de l'Euphrate à la mer Rouge, et du désert de Syrie à la Méditerranée. Quant au territoire initial, Israël ne l'a pas gardé, dans le sens où tout est passé sous le pouvoir de son roi.

 

Du point de vue de l'Église

 

          Le même danger menace le chrétien. Jésus l'appelle « la séduction des richesses »: « Celui qui a reçu la semence parmi les épines, c'est celui qui entend la parole, mais en qui les soucis du siècle et la séduction des richesses étouffent cette parole, et la rendent infructueuse » (Evangile de Matthieu 13.22).

 

          Prenons garde à la « théologie de l'abondance » prêchée dans certaines églises aujourd'hui. L'enseignement du Nouveau Testament ne contient pas un tel levain, bien au contraire. Paul a écrit: « Si quelqu'un enseigne de fausses doctrines, et ne s'attache pas aux saines paroles de notre Seigneur Jésus-Christ et à la doctrine qui est selon la piété, il est enflé d'orgueil, il ne sait rien, et il a la maladie des questions oiseuses et des disputes de mots, d'où naissent l'envie, les querelles, les calomnies, les mauvais soupçons, les vaines discussions d'hommes corrompus d'entendement, privés de la vérité, et croyant que la piété est une source de gain. C'est, en effet, une grande source de gain que la piété avec le contentement; car nous n'avons rien apporté dans le monde, et il est évident que nous n'en pouvons rien emporter; si donc nous avons la nourriture et le vêtement, cela nous suffira. Mais ceux qui veulent s'enrichir tombent dans la tentation, dans le piège, et dans beaucoup de désirs insensés et pernicieux qui plongent les hommes dans la ruine et la perdition. Car l'amour de l'argent est une racine de tous les maux; et quelques-uns, en étant possédés, se sont égarés loin de la foi, et se sont jetés eux-mêmes dans bien des tourments » (1° épître à Timothée 6.3-10). L'épître aux Hébreux déclare: « Ne vous livrez pas à l'amour de l'argent; contentez-vous de ce que vous avez; car Dieu lui-même a dit: Je ne te délaisserai point, et je ne t'abandonnerai point. C'est donc avec assurance que nous pouvons dire: Le Seigneur est mon aide, je ne craindrai rien; que peut me faire un homme ? » (13.5-6).

 

La beauté divine

 

          La Sulamithe est une villageoise, une fille de la campagne, une « fille de province » au milieu des citadines. Elle pourrait faire des complexes en voyant toutes ces jeunes filles avec leurs manières de s'habiller, de se maquiller, de se rendre belles. Mais elle n'a pas de complexes. Elle est « nature ». Elle se sait belle naturellement, sans artifices mondains.

 

          Remarquons ce que l'Écriture dit de Jésus-Christ, en rapport avec la beauté: « Il n'avait ni beauté, ni éclat pour attirer nos regards, et son aspect n'avait rien pour nous plaire » Esaïe 53.2). Et pourtant, ailleurs, la parole de Dieu affirme: « Tu es le plus beau des fils de l'homme ». La beauté de notre Seigneur était une beauté morale et spirituelle.

 

          Paul exhorte les femmes chrétiennes en ces termes: « Je veux aussi que les femmes, vêtues d'une manière décente, avec pudeur et modestie, ne se parent ni de tresses, ni d'or, ni de perles, ni d'habits somptueux, mais qu'elles se parent de bonnes œuvres, comme il convient à des femmes qui font profession de servir Dieu » (1° épître à Timothée 2.9-10).

 

          La même exhortation est adressée par Pierre: « Ayez, non cette parure extérieure qui consiste dans les cheveux tressés, les ornements d'or, ou les habits qu'on revêt, mais la parure intérieure et cachée dans le cœur, la pureté incorruptible d'un esprit doux et paisible, qui est d'un grand prix devant Dieu » (1° épître de Pierre 3.3-4).

 

          Sulamith est noire parce qu'elle a été longtemps et cruellement exposée au soleil. Son teint bronzé tranche, comme nous l'avons déjà dit, avec celui des jeunes filles de Jérusalem toujours présentes dans les appartements du palais. Mais elle n'en a pas honte. Bien au contraire, elle en est fière.

 

          Quant à nous, notre « teint » spirituel doit aussi trancher avec celui des païens. Il ne doit y avoir sur notre âme aucune trace de l'influence du monde. Jésus dit: « Si le monde vous hait, sachez qu'il m'a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui est à lui; mais parce que vous n'êtes pas du monde, et que je vous ai choisis du milieu du monde, à cause de cela le monde vous hait » (Evangile de Jean 15.18-19).

          Dans l'une de ses prières, Jésus dit à Dieu le Père: « Le monde les a haïs, parce qu'ils ne sont pas du monde, comme moi je ne suis pas du monde » (Evangile de Jean 17.14).

          Dieu est un soleil, notre soleil, et il rayonne sur nous. L'Église doit se laisser envahir de la personne de Dieu. Nous devons être reconnaissables à notre « teint », comme les premiers disciples. Lorsque les chefs du peuple, et les anciens d'Israël, « virent l'assurance de Pierre et de Jean, ils furent étonnés, sachant que c'étaient des hommes du peuple sans instruction; et ils les reconnurent pour avoir été avec Jésus » (Actes des apôtres 4.13). Quel contraste avec les chefs religieux !

 

          La noirceur de la Sulamithe n'est pas sa condition naturelle, comme le pensent à tort certains interprètes bibliques. Elle est le résultat d'une exposition au soleil. Nous découvrons là un grand enseignement concernant les voies de Dieu à notre égard, et leurs conséquences dans notre vie. Il est vrai que nous bénéficions de l'amour de Christ. Nous en avons parlé en méditant les quatre premiers versets du Cantique. Mais il est vrai aussi que le Seigneur nous place dans ses voies avec le dessein de nous éduquer, de nous façonner, voire de nous humilier. Le soleil de l'épreuve nous brûle, nous purifie, nous sanctifie. Ainsi, l'amour et la voie de la discipline divine nous sont tous deux nécessaires. La parole de Dieu souligne nettement le caractère des voies de Dieu qui veut rendre humbles ceux qu'il bénit. « Mes frères, regardez comme un sujet de joie complète les diverses épreuves auxquelles vous pouvez être exposés, sachant que l'épreuve de votre foi produit la patience. Mais il faut que la patience accomplisse parfaitement son œuvre, afin que vous soyez parfaits et accomplis, sans faillir en rien » (Epîttre de Jacques 1.2-4).

 

          « Bien plus, nous nous glorifions même des afflictions, sachant l'affliction produit la persévérance, la persévérance la victoire dans l'épreuve, et cette victoire l'espérance. Or l'espérance ne trompe point, parce que l'amour de Dieu est répandu dans nos cœurs par le Saint-Esprit qui nous a été donné » (Epître aux Romains 5.3-5).

 

          « C'est là ce qui fait votre joie, quoique maintenant, puisqu'il le faut, vous soyez attristés pour un peu de temps par diverses épreuves, afin que l'épreuve de votre foi, plus précieuse que l'or périssable (qui cependant est éprouvé par le feu), ait pour résultat la louange, la gloire et l'honneur, lorsque Jésus-Christ apparaîtra » (1° épître de Pierre 1.6-7).

 

A l'école de la beauté

 

          « C'est le soleil qui m'a brûlée ». Il est utile, ici, de rappeler les paroles de Jacques: « Que le frère de condition humble se glorifie de son élévation. Que le riche, au contraire, se glorifie de son humiliation; car il passera comme la fleur de l'herbe. Le soleil s'est levé avec sa chaleur ardente, il a desséché l'herbe, sa fleur est tombée, et la beauté de son aspect a disparu: ainsi le riche se flétrira dans ses entreprises » (Epître de Jacques 1.9-11). Ce texte nous parle aussi de l'action divine chez les croyants, à savoir que le « soleil » flétrit ce qui est de la chair. La chaleur a desséché l'herbe; autrement dit, elle a détruit la vie charnelle. La fleur est tombée; ce qui signifie que la beauté naturelle, charnelle est flétrie. Elle disparaît. L'apôtre Pierre écrit: « Ayant purifié vos âmes en obéissant à la vérité pour avoir un amour fraternel sincère, aimez-vous ardemment les uns les autres, de tout votre cœur, puisque vous avez été régénérés, non par une semence corruptible, mais par une semence incorruptible, par la parole vivante et permanente de Dieu. Car toute chair est comme l'herbe, et toute sa gloire comme la fleur de l'herbe. L'herbe sèche, et la fleur tombe; mais la parole du Seigneur demeure éternellement. Et cette parole est celle qui vous a été annoncée par l'Évangile » (1° épître de Pierre 1.22-25). Nous sommes confrontés là au travail purificateur de Dieu.

 

          En disant « je suis noire », l'Église, l'épouse de Jésus-Christ a conscience que le travail de Dieu a laissé sur elle des traces d'humiliation, de souffrances, et que d'autres peuvent voir ces traces. Les chemins du Seigneur ont pour but de nous rendre petits à nos yeux, et souvent aux yeux des autres. Ils favorisent les traits spirituels, la vraie beauté. Le chrétien peut paraître « noir » aux yeux du monde, mais intérieurement il est revêtu de gloire. Il nous faut apprendre qu'il n'y a rien de bon dans la vie charnelle. C'est uniquement dans la vie spirituelle que se trouve la beauté du Seigneur.

 

          « Belle...comme les pavillons de Salomon ». Soulignons à propos des tentures du roi, qu'elles étaient le fruit d'un fin travail de broderie, le résultat d'un art pratiqué avec patience. Il en est ainsi dans notre marche avec Dieu. Nous sommes soumis à de longs et lents exercices spirituels. C'est notre formation entre les mains du Seigneur. Il ne s'agit pas d'avoir seulement une conduite extérieure sans reproche devant les hommes et devant les frères, Dieu attend une réelle beauté cachée dans notre cœur. La beauté de l'Église, c'est l'héritage divin présent en elle, caché sous la noirceur des épreuves et de l'école de Dieu. « C'est pourquoi nous ne perdons pas courage. Et lors même que notre homme extérieur se détruit, notre homme intérieur se renouvelle de jour en jour. Car nos légères afflictions du moment présent produisent pour nous, au delà de toute mesure un poids éternel de gloire... » (2° épître aux Corinthiens 4.16-18). Paul écrit aux Galates: «Vous ne m'avez fait aucun tort. Vous savez que ce fut à cause d'une infirmité de la chair que je vous ai pour la première fois annoncé l'Évangile. Et mis à l'épreuve par ma chair, vous n'avez témoigné ni mépris ni dégoût; vous m'avez, au contraire, reçu comme un ange de Dieu, comme Jésus-Christ » (Galates 4.13-14). La noirceur de l'épreuve était là, mais la beauté de Christ perçait à travers !

 

          La beauté que Dieu attend de nous est d'un ordre spirituel. C'est la beauté de la grâce et de la puissance de Christ. Des qualités comme l'humilité, la soumission, la douceur se développent par beaucoup de discipline de la part du Seigneur.

 

          En hébreu, le mot « doux » paraît être le même que celui employé pour le mot « affligé ». La douceur serait-elle acquise par la voie de l'affliction ? Sans aucun doute. Moïse était l'homme le plus doux de la terre. Mais par quelle formation dut-il passer pour y parvenir !

 

          Il nous faut être petits pour que Jésus soit grand. C'est ce à quoi Dieu travaille en nous. L'huître perlière nous donne une grande leçon spirituelle. Lorsqu'un corps étranger s'introduit dans la coquille de l'huître, cette substance est une source de trouble. Ce phénomène déclenche une réaction étonnante et magnifique. Une autre substance se développe dans l'huître; elle vient recouvrir le corps étranger, et c'est ce qui donne la perle ! Vous comprenez ? Nous sommes assaillis de toutes sortes d'épreuves permises par Dieu. Il est alors indispensable que l'Esprit de Dieu provoque en nous une sainte réaction, l'émergence de vertus spirituelles qui viendront « recouvrir » les épreuves et former le caractère et la beauté de Christ. Autant de perles venant orner notre être intérieur !

 

L'irritation des fils de notre mère

 

          Le peuple spirituel, attaché au Seigneur, souffre du rejet de Jésus-Christ par le monde. Jésus dit: « Si le monde vous hait, sachez qu'il m'a haï avant vous. Si vous étiez du monde, le monde aimerait ce qui est à lui; mais parce que vous n'êtes pas du monde, et que je vous ai choisis du milieu du monde, à cause de cela le monde vous hait. Souvenez-vous de la parole que je vous ai dite: Le serviteur n'est pas plus grand que son maître. S'ils m'ont persécuté, ils vous persécuteront aussi; s'ils ont gardé ma parole, ils garderont aussi la vôtre. Mais ils vous feront toutes ces choses à cause de mon nom, parce qu'ils ne connaissent pas celui qui m'a envoyé » (Evangile de Jean 15.18-21). Le peuple authentique partage le sort de Dieu et de son oint.

 

          Il est vrai aussi que le chrétien voulant vivre près du Seigneur et bénéficier de son amour, affronte une autre irritation. Ceux qui professent être chrétiens mais n'ont que l'apparence de la piété, ne supportent pas la voie spirituelle. Regardant vivre les vrais croyants, ils parlent volontiers d'exagération, de fanatisme, de mysticisme, de bigoterie. Au nom d'une soi-disant sagesse, ils prêchent un évangile de compromis. Quand nos affections vraies pour le Seigneur commencent à se manifester; lorsque nous voulons mieux nous consacrer à Dieu, nous séparer de tout ce qui est mauvais pour lui plaire, « les fils de notre mère » s'irritent ! Le chemin de séparation, de sanctification qui convient à la véritable église, ne s'adresse jamais à l'esprit naturel et charnel. Le chrétien spirituel ne doit jamais s'attendre à être approuvé de ceux qui marchent selon la chair. (Nous invitons nos lecteurs à méditer le texte de 1 Corinthiens 2.6-16).

 

          Par contre, si les personnes réellement spirituelles nous désapprouvent, nous devons y être très sensibles, veiller, et réformer nos voies.

 

Paul BALLIERE

www.batissezvotrevie.fr

 

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