LA CROIX DE CHRIST

         

          31 octobre 1517...31 octobre 2017...500 ans après la Réforme, que reste-t-il du christianisme évangélique, de Christ, de la croix dans nos vies, dans nos églises, et dans les ministères de la Parole ?

 

 

 

A.W. TOZER (1897-1963) Né à Newburg, en Pensylvanie, (États-Unis) ; décédé à Toronto, au Canada.

 

 

 

 

LA CROIX DE CHRIST

 

          La croix de Christ est la chose la plus révolutionnaire qui puisse jamais apparaître parmi les hommes...

 

          La croix, aux époques de la Rome ancienne, ne connaissait pas de compromis; elle ne faisait jamais de concessions. Elle sortait triomphante de toutes les discussions en tuant ses opposants et en les réduisant au silence pour de bon. Elle n’épargna pas Christ, mais le massacra de la même façon que le reste. Il était en vie quand on le suspendit sur cette croix et complètement mort quand on l’en descendit six heures plus tard. Ainsi était la croix lorsqu’elle fit la première fois son apparition dans l’histoire chrétienne.

 

          Après que Christ fut ressuscité des morts, les apôtres allèrent partout prêcher son message, et ce qu’ils prêchaient, c’était la croix. Et dans quelque lieu qu’ils aillent dans le monde entier, ils portaient la croix, et la même puissance révolutionnaire les accompagnait. Le message radical de la croix transforma Saul de Tarse et le changea en un chrétien plein de délicatesse et en apôtre de la foi, de persécuteur qu’il était des chrétiens. Sa puissance changeait les hommes mauvais en hommes bons. Elle secoua la longue servitude du paganisme et façonna complètement tout le paysage moral et mental du monde occidental. Elle accomplit tout ceci et continue à le faire pour autant qu’on lui permette de rester ce qu’elle fut à l’origine : une croix. Sa puissance s’en est allée lorsqu’elle fut changée en objet de beauté, d’objet de mort qu’elle était. Lorsque les hommes firent d’elle un symbole, l’accrochèrent autour de leur cou comme un bijou, ou qu’ils esquissèrent devant eux son contour comme un signe magique pour repousser le mal, alors à ce moment-là elle devint, dans le meilleur des cas, un emblème sans force, et dans le pire des cas, un fétiche positif. En tant que tel, elle est révérée aujourd’hui par des millions de gens qui ne connaissent absolument rien de sa puissance.

 

          La croix accomplit ses desseins en détruisant un modèle établi, celui de la victime, et en créant un autre modèle, le sien. " Ainsi, elle garde toujours sa méthode. Elle triomphe en vainquant son opposant et en lui imposant sa volonté. Elle domine toujours. Elle ne se compromet jamais, ne marchande ni n’adjuge jamais, ne cède jamais un pouce au nom de la paix. Elle ne s’intéresse pas à la paix; elle a pour unique souci d’en finir avec l’opposition le plus rapidement possible. "

 

          En pleine connaissance de tout ceci, Christ affirma : " Si quelqu’un veut me suivre, qu’il se renie lui-même, et qu’il prenne sa croix, et me suive. " Ainsi non seulement la croix amène la vie de Christ à une fin, mais elle achève aussi la première vie, l’ancienne vie de chacun de ses vrais disciples. Elle détruit l’ancien modèle, le modèle adamique, dans la vie du croyant, et le conduit à sa fin. Ainsi le Dieu qui a ressuscité Christ des morts ressuscite le croyant et une nouvelle vie commence.

 

          Cela, et rien de moins, c’est le véritable christianisme, et nous ne pouvons faire autrement que reconnaître la divergence évidente de cette conception par rapport à celle tenue par le commun des mortels parmi les évangéliques d’aujourd’hui. Mais nous n’osons pas modifier notre position. La croix s’élève haut au-dessus des opinions des hommes et à cette croix, toutes les opinions doivent venir finalement en jugement. Des responsables spirituels superficiels et mondains modifieraient la croix pour faire plaisir à leurs saints dévots aliénés par les amusements, qui seraient prêts à se divertir même à l’intérieur du sanctuaire. Mais agir de la sorte, c’est courtiser le désastre spirituel et risquer la colère de l’Agneau transformé en Lion.

 

          Nous devons faire quelque chose de la croix, et nous ne pouvons faire qu’une seule chose parmi deux – lui échapper ou mourir sur elle. Et si nous devions être si téméraires à ce point pour lui échapper, nous devrions par cet acte mettre de côté la foi de nos pères et faire du christianisme quelque chose d’autre que ce qu’il est. Alors il ne nous restera plus que le langage vide du salut; la puissance sera partie avec notre abandon de la véritable croix.

 

          Si nous sommes sages, nous ferons ce que Jésus a fait: souffrir la croix et mépriser l’ignominie qui lui est attachée en vue de la joie qui nous a été réservée. Faire cela équivaut à soumettre tout le modèle de nos vies à la destruction et à la reconstruction dans la puissance d’une vie éternelle. Et nous découvrirons qu’il s’agit plus que de la poésie, plus que des doux cantiques et des sentiments élevés. La croix fera des incisions dans nos vies là où cela blesse le plus, n’épargnant ni nous-mêmes, ni nos réputations soigneusement cultivées. Elle nous mettra en défaite et sonnera le glas de nos vies égoïstes. A ce point-là seulement pourrons-nous ressusciter en plénitude de vie pour établir un modèle de vie complètement nouveau, libre et rempli de bonnes œuvres.

 

          Le changement d’attitude vis-à-vis de la croix, que nous observons dans l’orthodoxie moderne, ne prouve pas que Dieu a changé, ni que Christ a adouci son exigence de nous voir porter la croix; il signifie plutôt que le christianisme actuel s’est éloigné des normes du Nouveau Testament. Nous nous sommes tant éloignés, à vrai dire, qu’il faudra pas moins qu’une nouvelle réforme pour restaurer la croix à sa vraie place dans la théologie et la vie de l’Église.

 

A.W. TOZER