A-T-ON PERDU L'ART DE PRÊCHER AVEC FLAMME ?

 

A-T-ON PERDU L’ART DE PRÊCHER AVEC FLAMME ?

 

          Des siècles se sont écoulés depuis le jour où le réformateur suisse, Oecolampadius, lança cette phrase : « Quelques hommes justes et fervents influeraient infiniment plus le ministère qu’une myriade de pasteurs tièdes ! » Le temps qui passe n’a rien retiré de la causticité de cette déclaration. Nous avons besoin de plus de prédicateurs « justes et fervents ». Esaïe appartenait à cette catégorie, à preuve sa confession désespérée : « Malheur à moi ! Je suis perdu, car je suis un homme dont les lèvres sont impures, j’habite au milieu d’un peuple dont les lèvres sont impures. » (6.5) Paul en faisait aussi partie par son appel incontournable. « Malheur à moi si je n’annonce pas l’Évangile ! » (1 Corinthiens 9.16) Aucun de ces hommes envoyés de Dieu n’avait une vision plus vaste de l’importance de sa tâche que Richard Baxter en Angleterre. Voyez ce qu’il répondait à ceux qui l’accusaient d’oisiveté : « Le pire que je vous souhaite, c’est d’avoir mes aises au lieu de votre travail. J’ai des raisons de me considérer comme le moindre de tous les saints et cependant je ne crains pas de rétorquer à quiconque m’accuse que je considère le travail de la plupart des commerçants en ville comme un plaisir pour le corps, comparé au mien, bien que je ne l’échangerais pas avec le plus grand prince.

          « Leur travail préserve la santé, le mien la consume. Ils travaillent sans souffrir, moi, dans des douleurs incessantes. Ils ont des heures et des jours de congé ; j’ai à peine le temps de manger et de boire. Nul ne les moleste pour leur activité, alors que moi, plus j’en fais, plus j’attire haine et tempêtes sur moi. »

          On retrouve dans cette réflexion sur la prédication quelques éléments de la culture spirituelle du Nouveau testament. Voilà le Baxter qui s’efforçait toujours de prêcher comme un homme à l’agonie à des hommes à l’agonie. Une génération de prédicateurs avec une âme semblable à la sienne sauverait cette génération de pécheurs de la gueule béante de l’enfer.

          Les églises peuvent être bondées, mais parallèlement la vie spirituelle peut être au plus bas. C’est peut-être à juste titre que, dans le passé, on dénonça le libéralisme comme le séducteur de l’humanité. Maintenant, la télévision devient le bouc émissaire, que les prédicateurs dénoncent comme anathème. Ceci étant dit, et conscient que ces deux accusations comportent une part de vérité, je voudrais demander aux prédicateurs : « Devons-nous avouer comme cet ancien : Le problème, cher Brutus, est en nous ? » Je vais aiguiser mon scalpel et le plonger plus loin dans la chair tremblante des prédicateurs : les grandes prédications n’existent-elles plus ? Avons-nous perdu l’art de prêcher avec flamme ? Avons-nous concédé aux sermons casse-croûte modernes et impatients (épicés d’humour!) la tâche d’aiguiser l’appétit spirituel émoussé des hommes ? Nous efforçons-nous de faire goûter à chaque réunion « les puissances du siècle à venir » ?

          Considérez Paul. Revêtu d’une puissante onction de l’Esprit, il bouleversa l’Asie mineure ; il créa des remous sur les marchés, sema l’agitation dans les synagogues et s’introduisit dans les palais. Il partit au loin, le cri de guerre de l’Évangile dans son cœur et sur ses lèvres. On attribue à Lénine la paternité de cette citation : « Les faits sont vraiment entêtés ». Notez la justesse de cette phrase si on l’applique aux exploits de l’apôtre Paul ; puis, que le trouble s’empare de votre cœur à la vue du compromis dans lequel vit notre générations de chrétiens ! Paul ne se contentait pas de prêcher à une ville entière, mais il ébranlait toute la ville et trouvait néanmoins le temps de frapper aux portes le long des rues et de prier pour les âmes perdues.

          Un évangéliste de premier ordre que je connais refusa un contrat de trois mille francs par semaine pour une campagne de quatre semaines. Il n’est pas surprenant qu’un moderniste ait déclaré que ces hommes ne pleureront pour les âmes que si le jeu en vaut la chandelle ; oui, mais, comme Judas, ils pleureront quand il sera trop tard ! L’anémie des croyants proviendrait-elle de l’iniquité qui sévit dans la chaire ?

          Je suis de plus en plus convaincu que les larmes font partie intégrante de la prédication de réveil. Mes frères prédicateurs, c’est le moment de rougir de ne pas éprouver de honte, le moment de pleurer pour l’absence de nos larmes, le moment de nous humilier d’avoir perdu l’humilité du serviteur, le moment de nous lamenter de ne pas avoir de fardeau, le moment de nous en vouloir de ne pas ressentir de colère devant le monopole du diable en cette heure de la « fin des temps », le moment de nous fustiger de ce que le monde s’entende aussi bien avec nous et n’essaie pas de nous châtier.

          La Pentecôte impliquait la douleur, or, nous connaissons tant de plaisirs. La Pentecôte signifiait un fardeau, or nous aimons l’aisance. La Pentecôte signifiait la prison, et la plupart d’entre nous feraient n’importe quoi plutôt que d’aller en prison pour le nom béni de Christ. Si nous revivions la véritable Pentecôte, peut-être beaucoup d’entre nous iraient-ils en prison…

          Imaginez la Pentecôte dans votre église dimanche prochain : vous êtes revêtu de puissance comme le fut Pierre, et sur votre parole, le frère Ananias est terrassé, et peu après sa femme tombe raide morte à ses côtés ! Les chrétiens modernes supporteraient-ils cela ? Voici Paul, cette fois, qui frappe Elymas de cécité. De nos jours, cela vaudrait une poursuite judiciaire à n’importe quel prédicateur. Même la prostration qui a accompagné presque toutes les prédications de réveil, nous ferait une mauvaise réputation. N'est-ce point là plus que n’en peut supporter notre cœur fragile ?

          J’en appelle à une prédication solennelle. Le diable veut que nous insistions sur des choses secondaires. Beaucoup d’entre nous, sous le couvert d’une vie plus profonde, chassent des souris, alors que des lions déciment le pays. Je n’ai jamais pu découvrir ce qui arriva à Paul en Arabie. Personne ne le sait. Entrevit-il les nouveaux cieux et la nouvelle terre, et contempla-t-il le Seigneur élevé dans la gloire qui règne dans le monde entier ? Je ne sais toujours pas ; mais, le fait qui demeure incontestable, c’est qu’il bouleversa l’Asie, provoquant la jalousie des Juifs, exaspérant les Romains, enseignant les docteurs, et se prenant de compassion pour les geôliers. Paul et un autre prédicateur, du nom de Silas, dynamitèrent les murs de la prison – par la prière – et coûtèrent cher aux contribuables afin de pouvoir s’occuper des affaires du Maître.

          Paul, l’esclave de l’amour, convaincu d’être l’âme la plus dure que Dieu eût jamais à transformer, partit ébranler des contrées pour Dieu. A son époque, il manifesta « les puissances du siècle à venir », résista à Satan, souffrit, aima et pria plus que nous tous.

          Frères, tombons à genoux pour redécouvrir la piété et la puissance apostoliques. Fi des sermons douceâtres !

 

Leonard RAVENHILL

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