NOUS AVONS PRIS DU RETARD

 

NOUS AVONS PRIS DU RETARD

 

          Le réveil tarde à cause de l’insouciance. A l’autel, on consacre trop peu de temps aux personnes qui s’approchent pour traiter des affaires éternelles. L’évangéliste se réjouit de voir ses amis ; pendant que des pécheurs gémissent à l’autel, il se délecte du miel des louanges qu’on lui apporte. Ainsi des épaves spirituelles confuses sont éparpillées un peu partout.

 

          Le réveil tarde à cause de la crainte. En tant qu’évangélistes, nous restons bouche cousue devant les fausses religions de notre siècle, comme si nous connaissions plus d’un nom par lequel les hommes puissent être sauvés. Actes 4.12 figure toujours dans les Écritures : « il n’y a sous le ciel aucun autre nom ». Cette affirmation paraît-elle teintée de bigoterie au prédicateur moderne ?

          Élie tourna en dérision les prophètes de Baal et se gaussa avec mépris de leur impotence. Il vaut mieux (comme Gédéon) renverser à la sauvette les autels des faux dieux, que de ne pas accomplir la volonté de Dieu. Les sectes sans Christ et les religions qui se répandent comme des champignons et déshonorent la divinité tentent le Seigneur Dieu. Est-ce que personne ne va donner l’alarme ?

          Nous ne sommes pas de véritables « protestants ». Contre qui ou quoi protestons-nous ? Si nous faisions preuve de la moitié du zèle que nous croyons posséder, ou si nous manifestions un dixième de la puissance que nous prétendons avoir, nous serions baptisés dans le sang, ainsi que dans l’eau et dans le feu.

          En Angleterre, les portes des églises étaient fermées à John Wesley. Rowland Hill a dit de lui : « Lui et son groupe de laïques – son armée déguenillée de rétameurs, d’éboueurs, de charretiers et de ramoneurs qui prêchent dans leur temps libre – empoisonnent l’esprit des hommes. » Quel langage fort ! Mais John Wesley ne craignait ni le diable, ni les hommes. Si on se moquait de Whitefield sur les scènes de théâtre en Angleterre de la façon la plus vile et si, dans le Nouveau Testament, les chrétiens étaient lapidés et enduraient toutes sortes d’ignominies, comment se fait-il, dans la mesure où le péché et les pécheurs n’ont pas changé, que nous, prédicateurs, ne déclenchions plus les foudres de l’enfer ? Pourquoi demeurons-nous si glacialement réguliers, si extraordinairement nuls ? Nous pouvons voir des émeutes sans réveil. Mais, à la lumière de la Bible et de l’histoire de l’Église, où voyons-nous un réveil sans émeutes ?

 

          Le réveil tarde parce que le sentiment d’urgence fait défaut dans la prière. Un prédicateur renommé ouvrit une conférence, un jour, par ces paroles : « Je suis venu à cette conférence avec un lourd fardeau de prière sur le cœur. Que ceux qui veulent le partager avec moi, lèvent la main ; ne soyons pas hypocrites. » Il reçut une réponse massive. Plus tard, dans la semaine, on se réunit pour prier comme convenu, mais ce soir-là, le pasteur bien connu alla se coucher. Pas le moins du monde hypocrite ! L’intégrité a disparu ! Tout est superficiel ! Le facteur essentiel, unique même qui provoque ce retard dans le réveil du Saint-Esprit, c’est que l’on ne souffre plus d’agonie pour gagner des âmes. Nous substituons la propagande à la propagation. Quelle folie ! Le Nouveau Testament ajoute un précieux post-scriptum à l’histoire d’Élie dans Jacques 5.17 qui déclare : « il pria » ! Sans cette mention, forts du récit de l’Ancien Testament dans lequel nous aurions remarqué l’absence de toute allusion à la prière, nous nous serions exclamés : « Élie prophétisa ».

          Nous n’avons pas encore, dans la prière, résisté jusqu’au sang ; non, pas même « une goutte de sueur ne perle sur notre âme », pour reprendre l’expression de Luther. Nous prions dans une attitude de « c’est à prendre ou à laisser » ; nous formulons des prières au petit bonheur la chance, nous offrons ce qui ne nous coûte rien ! Nous n’éprouvons même pas de sentiments passionnés à ce sujet. Nous nous montrons plus capricieux, lunatiques et versatiles.

          Seule la puissance de la prière fléchit Dieu. Nous écrivons volontiers des livres sur la puissance de la prière, mais nous ne combattons pas dans nos moments de prière. On pourrait, sans risque de se tromper, définir l’Église contemporaine par ce mot d’ordre : « Trêve de combats ! ». Nous faisons étalage de nos dons naturels ou spirituels ; nous préparons un sermon ou nous écrivons un livre pour reprendre un frère sur la doctrine. Mais qui assiégera la forteresse de l’enfer ? Qui dira non au diable ? Qui se refusera un peu de bonne chère, d’agréables compagnons, ou du repos afin que l’enfer l’observe en train de lutter, de plonger les démons dans l’embarras, de libérer les captifs, de dépeupler l’enfer et de laisser, comme fruit de ces douleurs de l’enfantement, un fleuve d’âmes lavées par le sang ?

 

          Finalement, le réveil tarde parce que nous usurpons la gloire de Dieu. Écoutez ceci et interrogez-vous. Jésus dit : « Je ne tire pas ma gloire des hommes » (Jean 5.41), puis : « Comment pouvez-vous croire, vous qui tirez votre gloire les uns des autres, et qui ne cherchez point la gloire qui vient de Dieu seul ? » (Jean 5.44). Rejetons toute accolade charnelle, toutes les flatteries de la chaire ! N’exaltons plus : « mon programme radio », « mon églises », « mes livres » ! Oh, ce défilé écœurant de la chair sur nos estrades : « Nous avons le grand privilège, etc.... » Des orateurs (qui, en vérité, se trouvent là, seulement par grâce) acceptent tout cela, pire encore – ils l’attendent ! Le fait est qu’après avoir écouté la plupart de ces hommes plus que l’approbation divine, nous ne nous serions pas rendu compte de leur prestige s’il n’avait pas été annoncé auparavant !

 

          Et Dieu dans tout cela ? Il n’en retire pas grand-chose ! Pourquoi alors, Dieu n’accomplit-il pas sa promesse bénie, et pourtant terrible, de nous vomir de sa bouche ? Nous avons échoué. Nous sommes sales. Nous aimons les compliments des hommes. Nous « cherchons notre propre intérêt. » (1 Corinthiens 10.24) « O Dieu, sors-nous de cette ornière et de cette fange ! Bénis-nous en nous brisant ! Le jugement doit commencer par nous, les prédicateurs ! »

 

Leonard RAVENHILL

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