LE DIFFICILE CHEMIN DE LA CROIX

 

LE DIFFICILE CHEMIN DE LA CROIX

 

          L’heure de Jésus approchant, il va volontairement à Jérusalem. Il sait qu’il doit y mourir ; et il le déclare à ses apôtres.

 

          Paul disait aux disciples : « Et maintenant voici, lié par l’Esprit, [doucement contraint par son impulsion particulière], je vais à Jérusalem, ne sachant pas ce qui m’y arrivera. » (Actes 20.22)

 

          Mais Jésus, lui, se rend à Jérusalem, sachant très bien ce qu’il doit y souffrir, et il l’annonce aux apôtres : « Voici, dit-il, nous montons à Jérusalem, et le Fils de l’homme sera livré aux principaux sacrificateurs et aux scribes. » (Matthieu 20.18)

          « Je ne sais, dit Paul, ce qui doit m’arriver à Jérusalem ; seulement, de ville en ville, l’Esprit-Saint m’avertit que des liens et des tribulations m’attendent. » (Actes 20.23) Tandis que Dieu ne montrait pas les choses en détails à Paul, Jésus explique tout distinctement à ses apôtres.

          A ces mots, Luc observe que « les disciples ne comprirent rien à cela ; c’était pour eux un langage caché, des paroles dont ils ne saisissaient pas le sens. » (Luc 18.34), quoique Jésus leur ait parlé sans aucune ambiguïté. Ah ! l’ignorance des apôtres ! Combien le mystère de la Croix pénètre difficilement dans notre esprit !

 

          Jésus s’étant expliqué ailleurs de ce mystère, Luc fait encore remarquer : «Mais les disciples ne comprenaient pas cette parole ; elle était voilée pour eux, afin qu’ils n’en aient pas le sens ; et ils craignaient de l’interroger à ce sujet. » (9.45) Ils n’entendent pas parce qu’ils ne veulent pas entendre. Ils voient bien qu’il faudrait suivre leur Maître, et ils ne veulent pas savoir les souffrances qui l’attendent, dans la crainte d’avoir un sort semblable. C’est pourquoi Jésus leur dit : « Pour vous, écoutez bien ceci : Le Fils de l’homme doit être livré entre les mains des hommes. » (Luc 9.44) Jésus a soin, dans ces heures sombres qui s’approchent, d’inculquer à ses disciples l’impérieuse nécessité des souffrances de la croix ; dans un temps où tout le monde est en admiration des prodiges qu’il opère. Flattés par sa gloire, ils ont le cœur fermé à son enseignement sur l’opprobre à venir, et ne veulent surtout pas en entendre parler. Mais c’est là néanmoins ce que Jésus veut qu’ils sachent. Car il a mis notre salut dans ses souffrances, et dans l’obligation de le suivre, en portant notre croix après lui. « Pour vous, écoutez bien ceci. », leur dit-il.

 

          Songez ici comme l’homme se trompe lui-même, comme il fait le sourd quand on veut lui dire ce qui choque ses passions et ses sens. Que le message soit pourtant clair, il ne fait pas semblant d’entendre, il détourne franchement l’oreille, craignant d’approfondir le sujet.

          « Quitte ce commerce », « renonce à ce plaisir », « délaisse ce péché », « abandonne ta propre volonté » : l’homme n’entend pas un tel message ; il ne veut pas entendre, ni savoir, ni interroger Celui qui lui parle du haut des cieux et sur la terre. C’est pour cette même raison que Marc rapporte les mêmes faits en ces termes : « Ils étaient en chemin pour monter à Jérusalem, et Jésus allait devant eux. Les disciples étaient troublés, et le suivaient avec crainte. Et Jésus prit de nouveau les douze auprès de lui, et commença à leur dire ce qui devait lui arriver : Voici, nous montons à Jérusalem, et le Fils de l’homme sera livré aux principaux sacrificateurs et aux scribes… » (Marc 10.32-33)

          Ils savent que les pharisiens et les docteurs de la Loi le cherchent pour le faire mourir. Pourquoi alors va-t-il se mettre lui-même entre leurs mains ? Étrange Messie, qu’ils suivent maintenant en tremblant, tant il est vrai qu’on craint de suivre Jésus à la croix.

          Mais, comme pour nous encourager, il va devant. Luc précise : «Lorsque le temps où il devait être enlevé du monde approcha, Jésus tourna résolument sa face vers Jérusalem.» (Luc 9.51) Il voit, il sait que son heure est venue. Bientôt, à Gethsémané, prélude du sacrifice suprême et sublime, horrible et glorieux, où se mêleront faiblesse et force, il succombera dans son humanité parfaite. Son agonie, au jardin de l’écrasement, nous criera à jamais qu’il a porté nos faiblesses jusque là, afin de nous apprendre à les vaincre. Suivons-le donc, et à sa suite affermissons notre visage lorsqu’il faut aller à la repentance, au brisement du moi, et à la croix.

 

          Oui, c’est à cette heure que ses disciples lui disent : « Rabbi, les Juifs tout récemment cherchaient à te lapider, et tu retournes en Judée ! » (Jean 11.8) Ne faut-il pas le détourner de ce voyage ? Curieusement ici, n’y a-t-il que Thomas qui entend le mystère, pour dire courageusement : «Allons aussi, afin de mourir avec lui. » (Jean 11.16) Belle parole, si elle avait été suivie d’effet ! Mais hélas ! Thomas s’est enfui. Comme tous les autres. Et qui plus est, il sera le dernier à croire la résurrection de Christ.

          Voilà l’homme ; celui qui parle le plus hardiment est, le plus souvent, le plus faible lorsque Dieu l’abandonne à lui-même.

 

          Entends, âme bien-aimée, combien il est difficile d’aller à la croix avec Jésus, et combien tu as besoin de sa grâce !

 

Paul BALLIERE

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