LE CALICE AVANT LE TRONE

 

LE CALICE AVANT LE TRÔNE

 

          Faut-il que la demande soit pressante pour qu’ils entreprennent, à trois, la démarche vers Jésus. Jacques et Jean, accompagnés de leur mère, osent l’impensable dans une prière irréfléchie: être assis, dans le royaume de Christ, l’un à sa droite et l’autre à sa gauche (Matthieu 20.21)

          La réponse du Christ est à la mesure de leur inconscience : « Vous ne savez ce que vous demandez.» (Matthieu 20.22) Comme nous, souvent, lorsque notre esprit embrumé tâtonne dans les méandres de ses folles aspirations.

          Jésus pose alors une question qui pourrait bien ramener les fils de Zébédée à une ambition plus modeste : « Pouvez-vous boire la coupe que je dois boire ? » (Matthieu 20.22) Mais non, sans calcul, sans examen de cœur, et sans céder la moindre place à une possible défaillance humaine, ils entonnent un hymne tout à la gloire de leurs capacités personnelles : « Nous le pouvons, dirent-ils » (Matthieu 20.23)

 

          Quelle surprenante surdité nous frappe lorsqu’il nous faut précisément entendre la parole de la croix ! En effet, Jésus vient d’en parler clairement (Matthieu 20.17-19). Et loin de l’entendre, les deux disciples, parmi les plus considérés entre les apôtres, viennent lui parler de sa gloire à laquelle ils désirent être associés ; et qui plus est, en classe privilégiée.

 

          Mes amis, avez-vous bien pesé les paroles de notre Seigneur ? « Vous ne savez ce que vous demandez » Vous parlez de gloire ! Mais vous ne songez pas à ce qu’il faut souffrir pour y parvenir ; et Jésus d’évoquer ses souffrances par deux similitudes : une coupe qu’il lui faudra boire jusqu’à la lie, et un baptême sanglant dans lequel il devra être entièrement plongé. « Pouvez-vous boire la coupe que je dois boire, ou être baptisés du baptême dont je dois être baptisé ? » (Marc 10.38)

          Avaler toute sorte d’amertume ; être immergé dans les souffrances jusqu’à y avoir tout le corps plongé, comme on l’a dans le baptême : la gloire est à ce prix.

 

          Qu’à cela ne tienne ! Les apôtres ambitieux s’offrent sans réserve. Qu’on leur présente le douloureux calice, ils le boiront jusqu’à la dernière goutte. Qu’on les baptise dans le tourment et la persécution, ils sont prêts à tout subir, tout endurer. Jésus le sait. Il sait aussi qu’ils s’offrent par ambition. Il ne veut ni ne peut les satisfaire. Certes, il accepte leur parole pour la croix ; mais pour la gloire, il les renvoie aux décrets éternels de son Père, et à ses conseils secrets. « Pour ce qui est d’être assis à ma droite et à ma gauche, cela ne dépend pas de moi, et ne sera donné qu’à ceux à qui mon Père l’a réservé. » (Matthieu 20.23) A ce moment, il aurait pu leur dire ce qu’il dira plus tard à tous les apôtres : « Je dispose du royaume en votre faveur, comme mon Père en a disposé en ma faveur. » (Luc 22.29) Mais des gens qui ne veulent souffrir que par ambition, ne sont pas dignes d’entendre cette promesse. Il leur faut s’attacher à la croix. Présentement, ils n’en saisissent pas la vertu. Aussi, pour ce qui regarde la gloire à venir, Jésus s’en remet à son Père. L’heure du festin des noces de l’Agneau est encore loin. En ce moment, Jésus, leur Jésus, n’est pas l’Agneau du trône, mais celui de l’holocauste. Il ne dresse pas la table du banquet royal, mais celle de sa propre Pâque.. Il se borne à prophétiser ses souffrances et à distribuer les afflictions.

 

          Tous les autres apôtres furent indignés de la démarche de ces deux-là. « Les dix, ayant entendu cela, furent indignés contre les deux frères. » ( Matthieu 20.24) On peut les comprendre. Sauf que, aveugles, ils n’aperçoivent pas qu’ils sont tous dans les mêmes sentiments. Ils reprennent un peu trop vite chez les autres ce qui se trouve au fond de leur propre cœur. En effet, Jésus ne les a-t-il pas surpris, un peu auparavant, dans une conversation enfiévrée, discutant entre eux pour savoir lequel d’entre eux devait être estimé le plus grand ? Et comme si cela ne suffisait pas, ils récidiveront ! (Luc 9.46-47 ; 22.24-25)

          Combien nos réactions sont étranges et humiliantes ! Nous ne pouvons supporter chez les autres le vice que nous avons en nous-mêmes. Nous sommes éclairés pour reprendre nos frères, et aveugles pour nous connaître et nous corriger !

 

          Bien-aimés, ne soyons pas ambitieux. Ne cédons pas aux folles pulsions de notre chair. Elle convoite les avantages parmi nos semblables. Elle ne prêche jamais l’abaissement. Rappelons-nous que nous sommes les disciples de Jésus. Étant le Maître et le Seigneur, ne s’est-il pas rendu le serviteur de tous ? Racheté par son anéantissement et son humiliation, jusqu’à l’ultime sacrifice, ne songeons ni à nous élever ni à nous enfler.

 

          Considérons combien nos passions, et surtout l’ambition nous aveuglent, et crions, à l’exemple de Bartimée : « Maître, que je recouvre la vue ! » Ô Seigneur ! Fais-nous connaître nos défauts !

 

          Sur le bas-côté de notre cécité, que nul reproche des hommes ne nous empêche de crier plus fort à Jésus pour implorer le secours de sa grâce. Laissons notre « manteau », courons à lui, laissons-le ouvrir nos yeux ; puis, glorifions Dieu, et cessons de nous méconnaître et de nous glorifier nous-mêmes.

 

          Tel est le message de l’Homme du Golgotha.

 

Paul BALLIERE

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