LE TEMOIGNAGE DU PAPILLON

 

LE TÉMOIGNAGE DU PAPILLON

 

« Ce qui est spirituel n’est pas le premier, c’est ce qui est animal ;

ce qui est spirituel vient ensuite. Le premier homme, tiré de la terre,

est terrestre ; le second homme est du ciel. De même que nous avons

porté l’image du terrestre, nous porterons aussi l’image du céleste. »

1 Corinthiens 15.46-49

 

          On a dit que les papillons, n’étant pas essentiels à notre vie, ne sont qu’un objet de luxe dans la nature et que le monde tournerait sans eux.

          Je ne le crois pas. J’ai idée, au contraire, que le Créateur a permis que le papillon fût si brillant pour attirer plus directement notre attention et mieux nous faire comprendre les précieuses leçons biologiques qu’il a à nous donner ; car il semble que ce soit justement dans cet être délicat entre tous que Dieu a voulu, comme en, une superbe illustration, esquisser tout son plan d’amour à notre égard et nous faire toucher du doigt les phases successives de l’évolution magnifique par laquelle il nous élèvera de notre berceau à son trône.

          Ce n’est pas pour rien que, chez les Grecs déjà, le mot « Psyché » désignait tout à la fois le « papillon » et « l’âme ». Les sages de tous les siècles ont été frappés de cette analogie. Est-ce que la vie de l’homme, sa mort et son réveil ne semblent pas avoir leur représentation admirable dans la vie, le sommeil léthargique et le réveil du papillon ? Comme la larve rampante, l’homme se traîne sur la terre ; comme la nymphe immobile, l’homme dort dans sa tombe ; et, comme l’amant des fleurs, insecte aux ailes d’or et d’azur, l’homme renaît à la vie par la résurrection entre les morts.

          Les savants les plus modernes reviennent eux-mêmes à la contemplation de l’insecte pour mieux se rendre compte des lois de la vie. Le Dr Geley, dans son volume de l’ « Inconscient au Conscient », consacre un chapitre intéressant à ce qu’il appelle le « témoignage de l’insecte », qui, à ses yeux, est quelque chose de stupéfiant. Dans l’enveloppe protectrice de la chrysalide se passe, en effet, une élaboration étrange, un phénomène infiniment mystérieux, qui s’appelle l’histolyse. Le corps de l’insecte se dématérialise et se désagrège complètement ; ses tissus disparaissent les uns après les autres jusqu’à ce qu’il ne reste d’eux aucun élément cellulaire visible. L’animal fond en une sorte de bouillie uniforme dans laquelle s’évanouissent les uns après les autres toutes ses distinctions organiques et spécifiques. Et voilà que de cette substance amorphe se dégage la plus brillante des créatures.

          Qu’on le veuille ou non, dit le savant que nous citons, le témoignage de pareils faits est le renversement total de la physiologie matérialiste et de toutes les conceptions biologiques classiques. Ou bien, il faut se contenter de s’incliner devant le mystère et le déclarer impénétrable, ou bien il faut admettre l’existence d’un dynamisme supérieur à l’organisme ou d’une dominante directrice qui modèle la matière, lui procure sa force et ses attributs et la mène à un but bien défini.

          Nous savons quelque chose, nous autres chrétiens, de ce « dynamisme supérieur », de cette « dominante » ou de cette « idée directrice » qui façonne des êtres amorphes, comme vous et moi, pour en faire des fils de Dieu ! Cette vertu d’en haut qui s’appelle l’Esprit mène les vies à leur but. La contemplation du papillon va nous montrer ce dynamisme supérieur à l’œuvre et nous expliquer du même coup comment s’opère le développement biologique du nouvel homme.

          Si, au mois de septembre, en vous promenant à la lisière de nos forêts*, vous observez certaines de nos plantes ombellifères, comme la carotte sauvage, vous y apercevrez certainement une belle chenille d’un vert velouté, orné de brandebourgs noirs piqués de points rouges ; et si, au printemps suivant, passant par les mêmes lisières, vous fixez votre attention sur tout ce qui vole en ces belles journées de mai, vous verrez un magnifique papillon, un des plus beaux de notre zone, jaune, aux nervures noires avec de grandes taches bordées de bleu qu’on appelle le machaon. Eh bien ! Cette chenille verte du mois de septembre et ce papillon jaune du mois de mai, c’est le même animal : un animal qui commence par ramper et finit par voler ; qui, dans la première phase de son existence brouta de l’herbe et, dans la seconde, se délecte du nectar des fleurs les plus parfumées ; qui fut d’abord un objet de dégoût pour ceux qui le rencontrèrent et devint, par la majesté de son vol, une des beautés de la nature arrachant des cris d’admiration même de la bouche des enfants.

          Ainsi en est-il du racheté de Jésus-Christ, l’élu de Dieu, héritier du Créateur des cieux et de la terre. Il commence son existence par un mode de vie absolument amorphe ; avant d’être incorruptible, glorieux, plein de force et d’apparaître corps spirituel, il est corruptible, méprisable, infirme, corps animal ; car ce n’est pas ce qui est spirituel qui est le premier, c’est ce qui est animal ; « le premier homme tiré de la terre est terrestre, le second est du ciel ».

          Or, comment s’opère cette transformation, ce passage d’une existence à l’autre ? Comment nous représenter le voyage qui, de l’homme terrestre, mène à l’homme céleste ? Le papillon nous l’enseignera.

 

(à suivre)

Alexandre MOREL

 

* L’auteur de cet article était pasteur en Suisse.

 

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