LE SENS DU MOT EGLISE

 

LE SENS DU MOT « ÉGLISE »

 

          Tout ce qui porte le nom d’Église traverse actuellement une des crises les plus graves de l’Histoire. Pourquoi ? Le divin Architecte n’a-t-il pas promis que « les portes du séjour des morts ne prévaudront pas contre » l’édifice qu’il allait bâtir ? Sa promesse serait-elle bientôt trouvée en défaut ? Mais sommes-nous sûrs que nous appelons aujourd’hui « Église » ce que Jésus-Christ et les apôtres nommaient ainsi ? Que signifiait ce mot pour eux ? Sur quel fondement, suivant quel plan et avec quels matériaux ont-ils édifié l’Église ? Quelles conditions devaient remplir ceux qui voulaient en faire partie ? Pourquoi ces conditions ont-elles été modifiées au cours des siècles ? Comment s’est constitué le régime de la « chrétienté » où tous les habitants des pays christianisés sont réputés membres de l’Église ? Aujourd’hui, après l’éclatement du cadre de la « chrétienté », est-ce que les Églises liées à un régime dépassé ne risquent pas de sombrer avec lui ? Comment, dans une ère de « post-chrétienté » et face à un monde paganisé, l’Église pourra-t-elle survivre et répondre à la vocation que Dieu lui avait assignée ? Voilà quelques questions que se pose tout chrétien soucieux de l’avenir de l’Église.

 

          Plus de cent fois nous rencontrons le mot Église dans le Nouveau Testament sous la plume de presque tous les auteurs inspirés. Pour comprendre une réalité, il faut commencer par rechercher le sens du mot qui l’exprime. « On a pendant des décades et même des siècles ouvertement appelé « Église » quelque chose qui n’est pas l’Église ; et il en a été ainsi pour cette seule raison que l’on n’était pas au clair sur le sens du mot et de son contenu » (E. Brunner).

          « Plus on parle de l’Église et plus on creuse ce problème à notre époque, plus on constate qu’il faut rendre compte de ce qu’on pense et de ce qu’on désigne par ce terme, si l’on veut éviter de n’en faire qu’une notion vide. » (Karl Barth)

 

Que signifie le mot « Église » ?

 

          Notre mot français « église » est la résultante d’une double transposition du mot grec « ekklesia » d’abord en latin : « ecclesia », puis en français : ecclésiastique, église. Il n’y a donc pas eu traduction du vocable grec, mais latinisation, puis francisation du mot d’origine […]

 

          Quel est le sens du mot « ekklesia » ?

 

          1. Sens étymologique.

          Le mot « ekklesia » est composé du préfixe « ek » signifiant « hors de » (que nous trouvons dans les mots dérivés du grec : éclectique, ecchymose et qui correspond au préfixe latin « ex » que nous retrouvons dans « extraire », « exclure » etc.), et du radical « klesia », qui est la forme passive du verbe « kaleô », j’appelle. (Dans le Nouveau Testament « kaleo est employé dans le sens d’appeler, inviter dans Matthieu 2.7 ; 20.8 ; 22.3 ; appeler les invités à la noce : Mt 22.8-9 ; 25.14 ; Marc 3.31 ; Luc 7.39 ; 14.7-10). Ce verbe dérive lui-même de la vieille racine indo-européenne « kel » qui contient l’idée de crier, appeler (en sanscrit « usakalah », c’est le coq, c’est-à-dire celui qui appelle l’aurore). Cette racine a donné en latin le verbe « calare », appeler, et le nom « concilium », en allemand les mots « hallen, schallen : résonner, en français : clamer, proclamer.

          Donc étymologiquement le mot « ekklesia » signifie : « qui a été appelée hors de ».

 

          2. Sens historique.

          Comment et pour quoi les Grecs employaient-ils ce mot ?

          Le mot « Ekklesia » avait en Grèce un sens politique, jamais un sens religieux. A Athènes par exemple l’ekklesia était l’assemblée régulièrement convoquée de tous les citoyens de la ville, c’est-à-dire de tous ceux qui avaient le droit de cité. Tous les habitants de la ville n’avaient pas ce droit, les vrais citoyens ne formaient qu’une petite minorité.

          Le mot fait image : à l’appel d’un héraut les citoyens sortaient de leurs maisons, se séparaient du reste des habitants de la ville et venaient se rassembler en un lieu convenu (la « Pnyx ») pour discuter des affaires de la cité : nomination des magistrats, des officiers, gouverneurs de la ville, opérations militaires, etc...Chaque rassemblement commençait par la prière et par un sacrifice.

          Le mot « ekklesia se trouve employé par Luc dans ce sens (Actes 19.39) : « dans une « ekklesia » légale ».

          « Cette idée de la convocation joue un rôle essentiel dans la notion chrétienne de l’Église puisque c’est par l’appel que le Christ fait entendre aux hommes que l’Église se constitue » (M. Goguel).

          « L’étymologie est aussi simple que pleine de sens : les citoyens sont les « ekklétoï », c’est-à-dire ceux qui ont été « appelés hors » et rassemblés par l’appel d’un héraut. De là on peut aussi déduire l’emploi biblique chrétien du mot ; Dieu appelle en Christ les hommes hors du monde » (K.L. Schmidt).

 

          3. Sens judaïque.

          Au sens grec vient s’ajouter un sens religieux par le fait que les Septante qui ont traduit l’Ancien Testament en grec, ont employé près d’une centaine de fois ce mot « ekklesia » pour rendre le mot hébreu « qâhâl », qui désigne les assemblées de toutes espèces et principalement l’assemblée du peuple élu de Dieu (Nombres 19.20 ; Deutéronome 23.2, 3, 8…), les grandes convocations d’Israël (Nombres 27.17, 22 ; 28.18, 25).

          « Le mot a le même sens général de convocation que sur le terrain grec, mais il prend un accent religieux de par la personne qui convoque et qui est Dieu. L’Ancien Testament appelle « convocation (ekklesia) de Dieu » le peuple élu constitué par la vocation que Dieu lui adresse. De même, dans le Nouveau Testament l’Église est l’assemblée des croyants constitués par l’appel de Dieu en Jésus-Christ...le rassemblement de ceux qui obéissent à l’appel de Dieu » (Ph. Menoud).

 

          4. Sens chrétien.

          Sur 114 emplois du mot « ekklesia » dans le Nouveau Testament, 6 seulement se rapportent au sens grec (Actes 19.39) ou juif (Actes 7.38 ; Hébreux 2.2), dans tous les autres cas il a un sens spécifique particulier aux auteurs du Nouveau Testament. Ce sens englobe et dépasse toutes les acceptions que le mot avait précédemment.

 

(à suivre)

Alfred KUEN

www.batissezvotrevie.fr

 

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