LE MÉMORIAL D’UNE PERSONNE

 

LE MÉMORIAL D’UNE PERSONNE

 

          La Sainte Cène évoque de nombreuses choses. Historiquement, il s’agit de la nuit où Jésus a été livré. La nuit ; et quelle nuit ce fut ! Le mot « livré » utilisé ici traduit le terme grec « paradosis », que l’on peut prendre également comme un verbe réfléchi. Nous trouverons une grande stimulation à méditer sur l’impact et la signification de ces deux sens. En effet, cette nuit-là Judas « livrait » notre Seigneur en le trahissant ; mais Jésus-Christ « se livrait » lui-même comme nous l’indique le passage de Galates 2.20, où nous lisons : «...au Fils de Dieu qui m’a aimé et qui s’est livré lui-même pour moi. » Chacun de ces sens déborde de signification. La nuit même où il fut livré, il se livra lui-même dans son grand amour pour nous.

          Cette commémoration nous rappelle aussi la base historique de notre foi. Nous ne devons pas oublier que notre foi chrétienne a un fondement historique. Pendant mes cours voyages en Inde, j’ai eu un certain nombre de conversations, dans l’avion ou le train, avec des Indiens cultivés. L’une des choses que j’ai trouvée la plus difficile, fut de faire admettre à ces hommes la base historique de notre foi. Ils disaient : « Chacun a ses propres idées sur la religion. » Ce à quoi je répondais en les confrontant avec les faits ; les faits historiques de Dieu incarné dans la personne de Jésus-Christ, qui vécut et souffrit sous Ponce Pilate. J’essayais de leur montrer que l’on peut situer l’œuvre de salut de Christ de façon géographique et historique avec une grande précision. Mais ils repartaient de plus belle en quelque discussion philosophique sur des abstractions religieuses.

          Rappelons-nous que notre confiance ne se fonde pas seulement sur un livre religieux, quelque soit la valeur, l’autorité et la perfection de ce livre. Elle repose dans le fait historique de « Dieu manifesté en chair ».

          Mais il s’agit beaucoup plus que d’un souvenir historique. En l’appelant le mémorial d’une personne, je cherche à attirer l’attention sur le fait que notre Seigneur dit : « Faites ceci en mémoire de moi. » Il ne nous appelle pas à nous souvenir de la date ou de l’endroit, mais de lui-même. Le Seigneur ne dit pas même : « Faites ceci en mémoire de ma mort », quoiqu’il soit parfaitement vrai que ce repas regorge de la signification de sa mort. En d’autres termes, il dit : « Faites ceci en mémoire de tout ce que je suis pour vous. » Aussi important que soient les divers aspects de notre doctrine chrétienne, et tous les éléments qui composent le chemin parfait de notre salut, rappelons-nous que ce n’est pas ceci ni autre chose qui sauve, mais Christ. Notre relation avec Dieu passe éternellement par la médiation d’une personne vivante. Il est parfaitement compréhensible que nous invitions les pécheurs à venir « à la croix ». Mais, en toute rigueur, nous ne devrions pas faire cela. S’ils ne sont pas familiers avec notre langage évangélique, ils peuvent répondre : « Mais comment puis-je me projeter en arrière dans un événement qui s’est produit il y a deux mille ans ? » L’invitation de notre Évangile n’est pas de venir à la croix, mais à Christ. « Venez à moi vous tous qui êtes fatigués et chargés et je vous donnerai du repos. » « Si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive. » Voilà la véritable invitation, et c’est pourquoi le Seigneur dit : « Faites ceci en mémoire de moi. »

          Nous remarquons dans le Nouveau Testament qu’après avoir observé la Sainte Cène tous les jours, les croyants se mirent à la célébrer le premier jour de la semaine – celui de la résurrection. Ils ne choisirent pas le vendredi, jour de la mort. Ils nous ont montré, par ce choix, le chemin vers une grande vérité. La Sainte Cène est le souvenir d’une personne : celui de notre Seigneur vivant, que nous avons rencontré et que nous connaissons. Donc, nous ne commémorons pas une doctrine, ni un précepte, ni même un événement, mais une personne vivante. Nous nous rappelons non pas une personne qui est partie, qui était, mais une personne présente. « Car là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux. »

 

                    « A ton amour je me fie

                    Que me faudrait-il de plus ?

                    Rien, non, rien ne rassasie

                    Ici-bas, que toi, Jésus.

                    Pain de vie

                    Don du ciel toujours nouveau,

                    Je te bénis, pain d’en-haut. »

 

          « Faites ceci en mémoire de moi. » Cela nous aide à savoir s’il est juste ou non que nous venions à la table du Seigneur. Si vous le connaissez, alors bien sûr, vous pouvez venir à sa table, parce qu’ainsi vous vous souvenez de lui.

 

          Enfin, nous voyons que la Sainte Cène est :

 

Un mémorial spirituel

 

          La Sainte Cène n’est pas une simple cérémonie. Elle exige la participation de nos pensées, de nos sentiments et de notre volonté. Nous nous souvenons de Christ dans notre cœur, et nous ne nous contentons pas simplement d’observer un rite externe. Il s’agit d’un festin de joie plein d’intelligence et de consécration.

          Nous n’avons pas parlé précédemment d’un autre terme désignant la Sainte Cène, et dont l’usage dans l’Église a été plus tardif ; le mot « sacrement », du latin « sacramentum ». En lui-même, ce mot est parfaitement innocent et ne possède aucune connotation mystérieuse. Il s’agit en fait du mot qu’utilisait le soldat romain lorsqu’il prononçait le serment d’allégeance à son empereur. Donc, « sacramentum » désignait toute sorte d’engagement sacré que pouvait prendre un homme. Pris dans son sens originel, c’est un mot parfaitement clair. Malheureusement, certains en ont obscurci la clarté par les connotations variées qu’ils lui ont ajoutées. Mais, si nous l’employons correctement, il indique que dans la Sainte Cène, nous observons un rite au cours duquel notre cœur s’engage comme tout à nouveau, dans un mouvement de consécration loyale et d’amour. On doit donc participer à ce rite dans le sens d’une commémoration spirituelle.

          Cela veut dire, tout d’abord, qu’on doit y participer dans une crainte respectueuse. En 1 Corinthiens 11.27, nous lisons : « C’est pourquoi celui qui mangera le pain ou boira la coupe du Seigneur indignement, sera coupable envers le corps et le sang du Seigneur. » Que signifie ce mot ambigu « indignement » ? Tant de croyants sincères ont été troublés au cours des siècles par une mauvaise compréhension de cette phrase ! Cela veut-il dire que si vous vous sentez honteux, abattu et déprimé par votre échec et votre péché, vous ne devez pas vous avancer ? Oh que non ! C’est, au contraire, une attitude juste dans laquelle se présenter. Mais, prendre la Sainte Cène indignement, c’est la prendre sans considérer sa vraie valeur. La prendre indignement, cela veut dire la prendre avec complaisance, avec frivolité, sans se soucier le moins du monde du péché qui nous alourdit. Mais venir à la table du Seigneur en se sentant écrasé, accablé même, par son péché, par le sentiment de sa culpabilité et d’une profonde indignité, cela, oui, c’est prendre dignement la Sainte Cène. Ce n’est que dans cet esprit que l’on en reconnaîtra vraiment sa valeur.

          Cela me fait penser à cette touchante anecdote. Cela se passait pendant le service de communion dans une Église à Édimbourg, en Écosse. Assise au premier rang, se trouvait une femme que son état spirituel affligeait visiblement et qui pleurait. Tandis que l’ancien faisait passer la coupe de main en main, cette femme en pleurs secoua la tête en signe de refus. Comprenant tout de suite la situation spirituelle, le pasteur s’approcha, prit doucement la coupe de la main de l’ancien et la tendit à la femme en lui disant : « Prends ça, femme, c’est pour les pécheurs. » Voilà la façon de recevoir la Sainte Cène ; c’est pour les pécheurs. Voilà une attitude digne et vraiment pleine de respect.

          Cela demande que nous nous approchions de la table du Seigneur en nous examinant nous-mêmes. En 1 Corinthiens 11.28, Paul dit : « Que chacun donc s’éprouve soi-même, et qu’ainsi il mange du pain et boive de la coupe. » C’est en sondant notre cœur, que nous devons venir à la table du Seigneur. Ne venons pas de façon méprisante ou sans être conscients de la solennité profonde de cette occasion. Combien cette commémoration nous remet en question !

          Certains évitent d’assister trop souvent à la Sainte Cène, non pas par crainte qu’elle puisse perdre de son utilité. Au contraire, ils craignent qu’elle puisse se révéler trop efficace, parce qu’au cours de ce service, la lumière du Seigneur pénétrerait et révélerait les endroits ténébreux qu’ils cherchent à cacher. Il nous est cependant possible, par la fréquence même de notre participation à la Sainte Cène, d’en perdre la signification spirituelle. Ce péril guette peut-être plus spécialement ceux d’entre nous qui sont engagés au service du Seigneur comme missionnaires et pasteurs. Nous devenons tellement familiers avec les choses saintes qu’elles ne nous font plus aucun effet. Nous connaissons les mots, le service devient une habitude ; très souvent nous avons la responsabilité de présider et les détails pratiques occupent tellement notre esprit que la commémoration n’atteint plus notre cœur du tout. Arrêtons-nous donc un instant pour considérer la signification de ce rite et laisser ses exigences nous confronter.

 

          Nous nous souvenons de Christ.

 

                    « Que je me souvienne de toi,

                    Et de ta cruelle agonie,

                    De tout ton amour pour moi ;

                    Oui, tant que me reste la vie,

                    Je me souviendrai de toi. »

 

Ernest KEVAN

www.batissezvotrevie.fr

 

* Dans un prochain article, l’auteur parlera de la Sainte Cène comme d’une alliance.

 

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