MAUVAIS DÉPART

  

 

 MAUVAIS DÉPART

 

« Il est bon de porter le joug dès sa jeunesse. »

(Lamentations de Jérémie 3.27)

 

          Je suppose qu’il vous est arrivé de passer la soirée dans une famille où l’enfant est roi. Il est très tard et le petit dernier piaille sans arrêt, rendant impossible toute conversation suivie. Timidement et sans en avoir l’air, car les parents sont susceptibles, vous avez demandé :

 

          - Ne croyez-vous pas qu’il serait infiniment mieux au lit, votre gamin ?

 

          La réponse vous a laissé un brin ahuri:

          - Ah ! Mais c’est qu’il ne veut pas.

 

          Pour de tels parents, il va de soi que si bébé refuse d’aller se coucher, chacun patientera des heures durant en baillant d’ennui, les paupières alourdies de sommeil, sans se plaindre car les parents, eux, se doivent de donner l’exemple. Donc, on s’enfoncera dans la nuit, stoïques et silencieux, jusqu’à ce que le « petit chou » épuisé – et combien épuisant – s’affale brusquement sur son jouet préféré ou tombe comme une masse au pied de la table, soudainement endormi. Alors, dans un énorme soupir, toute la famille ira en cortège, avec mille précautions et sans faire craquer le plancher, déposer le petit ange dans son lit blanc, heureuse d’avoir pu épargner à bébé la désagréable épreuve du coucher. Après tout, peu importe si les aînés ont vécu une soirée exécrable pourvu que ce « bijou » n’ait pas été heurté de front. Vous rendez-vous compte ?

 

          Et pourtant, une mini-fessée pouvait mettre d’accord tout le monde, pour le plus grand bien de tous et pour longtemps : le mioche se serait reposé deux heures de plus et le foyer aurait joui d’une soirée paisible. Mais qui a le cœur et le courage d’administrer une fessée ? Décidément, les adeptes de l’éducation nouvelle se compliquent rudement la vie !

 

          Benoît, installé sur un siège trop élevé pour lui, grogne et gesticule tandis qu’une jeune vendeuse s’évertue à lui enfiler chaussure après chaussure. Les boîtes s’amoncellent devant « Monsieur » qui rugit à chaque essai :

 

          - Non, pas celle-là !

 

          Pour apaiser le rejeton, maman se fait conciliante :

          - Allons chéri ! Montre-nous la paire qui te ferait plaisir.

 

          Naturellement, peu importe le prix, la qualité ou la forme… pourvu que le « petit » soit satisfait. Dame ! A cinq ans on est bien capable de discerner entre la vachette et le plastique, donc de fixer lucidement son choix.

          Maintenant, c’est Zabeth – huit ans à peine – qu’on interroge :

          - Aimerais-tu aller en colonie de vacances l’été prochain ? Cela te ferait le plus grand bien. Tu jouerais au grand air avec de gentilles camarades…

 

          Qu’on me comprenne bien. Il est nécessaire d’expliquer à l’enfant ce qu’est une colonie de vacances et dans la mesure du possible avoir son assentiment pour l’envoyer. Mais trop souvent, devant la fille qui n’a aucune idée de ce que pourrait être un centre de vacances, les parents, suspendus à ses lèvres, attendent cependant le « oui » de sa bouche, feu-vert pour remplir et envoyer le bulletin d’inscription. Et si, la veille de partir, la petite déjà inscrite change d’avis, on enverra un « télégramme » pour avertir le directeur que Zabeth, souffrante, n’est pas en mesure de se déplacer.

 

          Ils sont nombreux les parents estimant nécessaire et pédagogique de réclamer à tout instant et pour tout l’opinion de l’enfant. Ne doit-il pas s’affirmer ? Manifester sa personnalité dès le berceau ? En l’occurrence, décider lui-même s’il veut aller au culte ou non ? Et s’il se rebiffe ou maugrée – en général, il donne son avis avec humeur – les parents tomberont d’accord pour que l’un d’eux reste à la maison. Décemment, on ne peut envoyer à l’école du dimanche un enfant contre son gré ! D’ailleurs, les moniteurs qui ne savent pas s’y prendre « s’acharnent » sur le petit sans l’intéresser vraiment. Décidément, les enfants « rois » sont d’éternels persécutés.

 

          N’est-ce pas sotte erreur que de prétendre que l’enfant – surtout le petit enfant – est capable de décider et de bien choisir ? C’est lui prêter plus de jugement qu’il n’en possède et lui laisser croire qu’il dépasse en sagesse papa et maman. C’est l’installer dans une mentalité d’indépendance qui le pousse constamment à vouloir échapper au contrôle des siens. Certes, il ne s’agit nullement d’étouffer chez lui tout esprit d’initiative ni jamais lui fournir l’occasion de donner son avis, mais chaque chose en son temps.

 

André ADOUL

www.batissezvotrevie.fr

 

Notre prochain article : Les parents, soucieux de bien éduquer, risquent de commettre deux erreurs difficiles à rattraper.

 

 

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