CHENILLE LUCIFUGE

 

 CHENILLE LUCIFUGE

 

« Votre vie est cachée avec Christ en Dieu. »

(Colossiens 3.3)

 

          Il y a un autre moyen de défense pour la chenille, c’est de se tenir cachée pendant le jour, aussi longtemps que vole l’ennemi, et de ne brouter que la nuit. Ces chenilles-là, qu’on appelle lucifuges, se réfugient aussi longtemps que luit le soleil, au pied de leurs plantes nourricières, sous les feuilles mortes, sous les pierres, s’enfonçant même dans la terre. Comme j’ai eu l’occasion d’observer plus particulièrement les mœurs de l’une des plus intéressantes du genre,  l’ « Euterpia loudeti », je voudrais vous en parler avec quelques détails et vous transmettre le double enseignement que nous laisse cette brillante noctuelle.

          Le long de la vallée du Rhône, de Martigny à Brigue, immédiatement au pied des Alpes bernoises, au-dessus de la région des vignobles, s’adosse un long talus d’éboulis. Véritables fournaises en été, ces débris de rochers offrent au botaniste une riche moisson. Toutes les plantes héliophiles y prospèrent. Parmi les représentants de cette flore méridionale, une plante de modeste apparence domine les autres ; c’est le « Silene otites ». Ce végétal est la plante nourricière de la chenille d’un des plus beaux papillons du Valais, l’ « Euterpia loudeti ». Représentez-vous un morceau de satin saupoudré de rose et vous aurez une idée de la fraîcheur et de la pureté de son aile. La loudeti habite d’ordinaire la Bulgarie, le Caucase et l’Asie Mineure ; mais grâce aux terrains ensoleillés du Valais, cette noctuelle a aussi élu domicile dans notre patrie.

          Mais, comme tout ce qui est beau et pur, la « loudeti » a un terrible ennemi sous la forme de ce funeste et perpétuel ichneumon qui guette sa chenille jusqu’à ce qu’il ait réussi à introduire son œuf sous sa peau. Mais, pour sauvegarder sa progéniture, le beau papillon aux ailes de satin empourpré a soin de pondre son œuf dans les jeunes capsules encore vertes, plus tard rebondies, teintées de grenat ou d’un brun doré du « Silene otites ». Aucun trou, aucune perforation ne décèlent sa présence. C’est dans cette poétique et sûre retraite, semblable à une forteresse que, dès son éclosion, la jeune chenille se met à consommer les graines qui sont à sa portée. Toutefois, le moment arrive où, grossie et développée, la chenille ayant épuisé son garde-manger, doit sortir de sa cachette en quête d’autres capsules. C’est le moment critique qu’épie l’ichneumon aux aguets. Malheur à la pauvre vagabonde si, dans son imprudence, elle allait s’exposer, en plein midi, aux yeux de lynx de son ennemi ! En quelques instants, elle se verrait brutalement assaillie par la redoutable tarière, ichneumonée et condamnée à porter désormais dans ses flancs le germe fatal qui, en suçant sa substance, l’annihilerait complètement. Aussi, a-t-elle soin, la chenille, d’un jaune de citron clair, de ne manger et, par conséquent, de ne circuler que de nuit. De jour, elle se cache sous les pierres, sous les débris de végétaux ou dans les fentes des rochers.

          Mais voici une particularité tout à fait étrange, qui me remplit d’émotion la première fois que je pus l’observer moi-même : si, par malheur, elles ont été ichneumonées, parasitées ou possédées par l’ennemi, certaines chenilles lucifuges, celle de la « loudeti » en particulier, ne se donnent plus la peine de se dissimuler durant le jour. A quoi bon continuer à me cacher, semblent-elles dire ? Il n’en vaut plus la peine ! C’est trop tard ! J’ai eu le malheur d’être contaminée ! L’ennemi a plongé son dard en moi ! Je suis possédée ! Ce n’est plus moi qui vis, c’est l’autre, hélas ! Pourquoi continuer la lutte ? Et la malheureuse, complètement déviée de sa destinée première, puisque toute sa substance, qui devait donner naissance à un magnifique papillon, ne produira plus, hélas ! qu’une mouche dangereuse – la malheureuse, toute désorientée, erre à l’aventure, comme quelqu’un qui aurait perdu sa dernière espérance.

          Vous saisissez le solennel avertissement et la suprême consolation, tout à la fois, que nous donne « l’Euterpia loudeti ».

          Le solennel avertissement d’abord. Il n’y a pas que le papillon qui ait à redouter l’attaque du destructeur. Le brigandage de la vie s’exerce dans toutes les régions de la Création, avec une ruse, une cruauté consommées. Il y a partout toutes espèces de dominations, d’autorités, de puissances ténébreuses et d’esprits malins qui, se tenant à l’affût, nous guettent et s’apprêtent à s’élancer sur nous pour nous détruire. Malheur à celui qui ne sait pas s’emparer de toutes les armes de Dieu, afin de pouvoir résister dans le mauvais jour et rester debout après avoir tout surmonté. Nous ne vivrons en sécurité que dans la mesure où « notre vie restera cachée avec Christ en Dieu ». Tous ceux qui s’étalent, se font valoir et passent leur temps à raconter leurs hauts faits, courent les plus grands dangers. Effacez-vous, dit l’Évangile, cachez-vous, revêtez-vous d’humilité !

          Mais alors, s’écriera quelqu’un, je suis perdu ! Il n’y a plus d’espoir pour moi ! L’Ichneumon a déposé son œuf en moi, et l’œuf a éclos, et ce sinistre intrus que je ne voulais pas mais qui est là, se développe, grandit et m’annihile de plus en plus. J’entrevois le moment où, graduellement évidé de tout ce qui constituait ma personnalité, allant d’appauvrissement en appauvrissement, de décomposition en décomposition, je roulerai dans les abîmes de la pourriture la plus infecte. Ah ! misérable que je suis, qui me délivrera de ce corps de mort ! Il ne vaut plus la peine de continuer la lutte. C’est trop tard !

          Pauvre désespéré, écoutez la suprême consolation que nous donne l’Évangile. Si la chenille parasitée n’a, en effet, pas de Sauveur pour la libérer de sa possession, nous en avons un. Dieu soit à jamais béni ! « Il a oint du Saint-Esprit et de force Jésus de Nazareth pour guérir tous ceux qui sont sous l’empire du diable… Il a paru afin de détruire toutes ses œuvres ! »

          O, pauvres ichneumonés que nous sommes, croyons au miracle libérateur de Christ et mettons-nous bien dans l’esprit que les ailes de satin saupoudrées de rose de l’ « Euterpia loudeti » ne sont qu’une pâle image de l’œuvre de gloire que Jésus-Christ désire achever en nous !

 

Alexandre MOREL

www.batissezvotrevie.fr

 

 

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Commentaires: 1
  • #1

    Adrien (vendredi, 10 décembre 2021 17:49)

    Gloire soit rendue au Seigneur ,lui qui est notre liberateur qui mérite confiance et louanges.