LE PIÈGE DE GABAON

 

  LE PIÈGE DE GABAON

 

          A mesure que nous avançons dans l'étude de nos chapitres, nous apprenons à connaître l'ennemi sous de nouveaux aspects. Satan sait faire la guerre ; il sait disposer des batteries, attaquer de face, écraser sous le nombre, mais aussi il sait user de détours, tromper par des ruses, attirer dans le piège. Jéricho était l'obstacle qui tombe devant la foi ; mais Satan ne se décourage pas ; il s'adresse, comme nous l'avons vu, aux convoitises, et l'interdit entre dans le camp d'Israël ; il occupe les âmes de leur victoire, et la confiance en soi s'empare du cœur. Israël oublie l'armure complète de Dieu, et va se jeter de lui-même dans les filets de l'ennemi. Mais cette victoire de Satan est l'école de Dieu pour les justes. Ils perdent leur confiance en eux-mêmes, comprennent ce qu'exige la sainteté de Dieu, cherchent dans la Parole leur sauvegarde, arrivent enfin au sentiment de leur responsabilité qu'ils avaient, semble-t-il, bien peu connue auparavant.

          Au chapitre 9, nous trouvons plus spécialement « les artifices du diable », et c'est contre eux que la Parole nous prémunit expressément. Pour tenir ferme, il nous faut être revêtus « de toute l'armure de Dieu ; être fortifiés dans le Seigneur et dans la puissance de sa force ». L'épître aux Éphésiens, comme les premiers chapitres de Josué, nous présente la puissance de Dieu sous des faces diverses. Au chapitre 1.19 sa puissance envers nous correspond à ce que nous trouvons en type dans le passage du Jourdain. Au chapitre 3.16, 20, sa puissance en nous correspond à la table divine de Josué 5. Enfin, au chapitre 6.10, nous trouvons sa puissance avec nous et toutes les pièces de l'armure, correspondant au conflit avec la puissance du mal, tel que les chapitres suivants de Josué nous le présentent. Nous avons déjà vu quels vases Dieu emploie pour se glorifier dans ce combat. Ce sont des êtres si faibles qu'ils ne peuvent absolument que dépendre de lui. J'ai dit souvent que Dieu prend deux sortes d'instruments pour accomplir son œuvre d'abord des instruments sans aucune valeur propre : Dieu a choisi les choses folles, faibles, viles de ce monde, et celles qui sont méprisées, « et celles qui ne sont pas » (1 Corinthiens 1.27, 28). Peut-on accentuer davantage le néant des êtres que Dieu daigne employer ? Mais Dieu prend aussi des instruments de grande valeur aux yeux des hommes et à leurs propres yeux. Saul de Tarse était un homme considéré, instruit, religieux, énergique, consciencieux ; en apparence il ne lui manquait rien pour que Dieu pût l'utiliser. Eh bien ! Dieu le saisit, le jette sur le chemin de Damas et brise le vase en morceaux, pour ainsi dire. Alors il dit : Je puis l'employer maintenant.

          La conscience de notre nullité comme instruments, nous tient dans une dépendance continuelle de la main qui se sert de nous ; et c'est le chemin de la puissance. Il en fut ainsi devant Jéricho ; mais le peuple avait encore à apprendre que, sans la dépendance, il devenait la proie de Satan. En terminant la description des pièces de l'armure, l'apôtre ajoute (Éphésiens 6.18) : « Priant par toutes sortes de prières et de supplications en tout temps, par l'Esprit, et veillant à cela avec toute persévérance ». La prière est l'expression de la dépendance ; la prière continuelle, persévérante, exprime une dépendance habituelle. Or la faute capitale des Israélites, au chapitre 9, c'est « qu'ils n'interrogèrent point la bouche de l'Éternel » (v.14). Nous avons vu, à la fin du chapitre précédent, quelle importance la Parole avait reprise à leurs yeux : mais voici qu'ils oublient de parler à Dieu pour entrer en communion avec lui au sujet de ses pensées. Remarquez comment Satan réussit à leur faire perdre le sentiment de leur dépendance. II les intimide par un spectacle effrayant : l'inimitié du monde, une confédération de rois assemblés pour la guerre (v.1, 2). II commence par arrêter leurs yeux sur cette puissance formidable prête à les écraser, puis, sans transition, pour ainsi dire, il leur offre sa ressource : les habitants de Gabaon viennent au camp de Guilgal. Israël n'y était pas préparé ; il n'avait pas toute l'armure de Dieu. Ceux qui conduisaient le peuple ne se rendirent pas compte de ce que les simples entrevirent, au moins pour un moment (v.. 6 et 7). Il en est souvent ainsi ; l'humilité va avec l’œil simple et c'est à celui-ci qu'appartient la vraie intelligence selon Dieu. « Traitez alliance avec nous », disent les Gabaonites. Quelle bonne occasion pour Israël ! « Vous avez l'ennemi devant vous », leur souffle Satan, « voici un excellent moyen de le vaincre ». Ces gens venaient avec toutes sortes de bonnes intentions, recherchant l'alliance du peuple de Dieu et reconnaissant hautement sa suprématie morale et spirituelle. « Nous sommes tes serviteurs », disent- ils à Josué (v. 8), chose bien faite pour le disposer favorablement. Enfin ils proclamaient la puissance du Dieu d'Israël, et ce qu'il avait fait en Égypte et au désert. Pas un mot, il est vrai, de ce qu'il avait fait en Canaan ; Satan se trahirait s'il venait à parler des lieux célestes et de leurs combats. Vous le voyez, les Gabaonites ont un caractère des plus marqués, des convictions religieuses accentuées. Oui, mais ils sont des Cananéens déguisés, le monde sous les dehors de la piété, le monde religieux. Israël avait été gardé jusque-là de rechercher aucun secours humain, mais comment résister à ceux qui. professent avoir le même but, les mêmes aspirations ? Une alliance n'est-elle pas une chose légitime ? Nous reconnaissons l'Éternel comme vous ; vos serviteurs pourront vous donner leur concours au besoin. — Ah ! comme les enfants d'Israël se doutaient peu, en ce moment, que les Gabaonites étaient ces mêmes Cananéens qu'ils étaient appelés à exterminer du pays de la promesse ! Ils tombent dans les filets de l'ennemi ; ils avaient négligé de consulter l'Éternel ; ils prennent, en signe de communion, des provisions de ces hommes*. L'alliance est conclue ; le monde est introduit au milieu de l'assemblée d'Israël. Quel artifice diabolique ! Satan offre au peuple un moyen de vaincre l'ennemi, le monde, et ce moyen, c'est d'introduire le monde dans le camp ! Satan se proposant pour se vaincre lui-même ! Il savait bien que, du moment que la porte serait ouverte à cet élément, toute autre entreprise lui serait facile.

          Ces choses ne nous rappellent-elles pas l'histoire de l'Église ? Les âmes des chrétiens étaient déjà séduites, du temps des apôtres, par les beaux semblants d'une religion terrestre et mondaine, qui cherchait à pénétrer et faisait perdre de vue la position, les intérêts, le but céleste, et entraînait les cœurs vers l'alliance avec un monde qui avait crucifié Christ. Satan a gagné la partie. Il dresse son trône au milieu de l'Église, et l'apôtre a dû dire à la fin : « Parmi vous, là où Satan habite » (Apocalypse 2.13). Désormais, hélas ! le combat n'est plus seulement avec les ennemis du dehors ; il s'agit de tenir contre la puissance du mal dans l'Église. Mais la grâce de Dieu est avec Israël ; et si ce chapitre nous montre l'entrée du mal dans l'assemblée, nous n'en voyons pas le développement. Dieu nous délivre de certaines conséquences de notre péché, et en laisse subsister d'autres. Le peuple de Dieu eut à faire cette triste expérience, que les Gabaonites devaient rester au milieu d'eux, comme un témoignage perpétuel de leur faute. Après avoir commencé à murmurer contre les principaux, les enfants d'Israël sont amenés à une appréciation plus juste de leur devoir. Ils n'avaient qu'une chose à faire : supporter parmi eux les Gabaonites, mais en les maintenant à la place de la malédiction. « Vous êtes maudits » leur dit Josué (v. 23). Israël ne pouvait les considérer que comme une race maudite. Le jugement du roi d'Aï était prononcé sur eux, non pas exécuté, et en attendant ils n'étaient préservés que par le nom de ]'Éternel. Israël ne pouvait les toucher ; il devait supporter son humiliation, mais en évitant désormais toute communion avec, ceux qu'il laissait sous le poids de la malédiction divine.

          Il en est de même pour nous dans l'Église ; nous avons à subir les conséquences de notre infidélité, l'humiliation du mal qui est entré dans la maison de Dieu. Mais si nous sommes fidèles, tout en supportant ces conséquences, nous pourrons distinguer ce qui est de Dieu, de ce qui porte seulement son nom. C'est la Parole qui distingue le mélange et nous le révèle, et la foi laisse le monde religieux sous la malédiction, fout en usant de grâce à son égard.

          En 2 Samuel 21, nous trouvons la fin de l'histoire des Gabaonites. Nous y voyons clairement que le but de Dieu n'était nullement de les ôter de la place qu'ils avaient usurpée dans l'assemblée d'Israël. Saül, animé d'un zèle ardent pour l'assemblée, mais nullement pour Dieu, car il demeurait étranger à ses pensées, les avait exterminés. Des années se passent, et voici qu'une plaie fond tout à coup sur Israël. David recherche la face de l'Éternel, et s'enquiert de la cause de cette calamité. « C'est », lui est-il répondu, « à cause de Saül et de sa maison de sang, parce qu'il a fait mourir les Gabaonites ». La chair qui a introduit le mal, n'a rien de plus pressé que de s'en débarrasser. Le chemin de Dieu est tout autre ; il faut que ses enfants sentent le mal, et c'est ainsi que se manifeste leur communion avec lui dans un jour mauvais. En Ézéchiel 9.4, l'Éternel ordonne à l'ange de marquer au front les hommes qui gémissent et qui soupirent à cause de toutes les abominations qui se commettent au dedans de Jérusalem. Ceux qui sentaient le mal étaient expressément abrités du destructeur.

          Chers lecteurs, il en est de même pour nous, en ces jours de la fin. Il ne s'agit pas de prendre l'épée et d'exterminer le mal, mais de gémir et de soupirer, et de dire : « Le mal est mien ». Nous ne pouvons purifier la place ; il ne nous reste qu'à nous humilier, tout en nous purifiant nous-mêmes des vases à déshonneur. Voilà ce qu'un chrétien mondain n'apprend jamais ; la présence du monde dans l'Église ne l'humilie pas ; il la défend ; il estime qu'il est impossible de distinguer les Gabaonites des enfants d'Israël, et bien loin de les prononcer maudits, de ne leur reconnaître aucune part à l'heureuse liberté des enfants de Dieu et de les déclarer étrangers à son peuple (cf. Deutéronome 29.11), il serait plutôt tenté de se faire leur serviteur et de couper le bois pour la maison de leur Dieu !

          Les sept fils de Saül furent mis en croix et devinrent eux-mêmes malédiction à cause de cet acte sanguinaire qui prétendait purifier l'assemblée en exterminant les Gabaonites. Combien l'histoire de l'Église n'offre-t-elle pas de cas semblables ? L'extermination des hérétiques vrais ou supposés n'était autre chose que le crime de Saül. Le crime sera jugé sur ceux qui l'ont commis.

          Que Dieu nous donne de dépendre continuellement de lui, afin de pouvoir résister aux embûches du diable. Ce chapitre ne nous donne qu'une de ses ruses, mais si nous avons l’œil ouvert, nous nous apercevrons que tous ses artifices ont pour but de nous faire perdre de vue les choses célestes et de rabaisser notre christianisme à n'être plus que ce que le monde peut partager avec nous.

 

H.R.

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* Lisez au verset 14 : « Les hommes (d'Israël) prirent de leurs provisions ».

 

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