LE STYLE D’ÉZÉCHIEL

 

 

LE STYLE D’ÉZÉCHIEL

 

          Il n’a pas la majesté de celui de celui d’Esaïe. Mais les images y abondent, s'y pressent. Son langage torrentueux revêt une énergie extraordinaire: « Une fin... la fin vient!... Un mal, un mal unique! Voici, il est venu… La fin est venue, la fin est venue! » (7.2-5). « L'épée est aiguisée, et aussi fourbie. C'est afin qu'elle égorge bien, qu'elle est aiguisée... Crie et hurle, fils d'homme!» (21.14-17).

          Puis, il y a ceci de particulier dans la manière d’Ézéchiel, qu'il est contraint par Dieu de mimer ses prophéties. Ainsi, au chapitre 4, le prophète doit se coucher sur le côté pendant un certain temps et simuler l'investissement de Jérusalem par les Chaldéens. Sa nourriture même, le mode de la préparer et de la cuire, reproduiront aux yeux des exilés, les dures nécessités auxquelles est réduite une population assiégée.  Le porte-parole de Dieu doit donc s'identifier avec le peuple auquel il a mission de s’adresser, partager ses souffrances et  détresses. Cela va même si loin qu’Ézéchiel est appelé à faire le sacrifice de sa femme et s'abstenir de la pleurer, afin de servir de signe à ceux qui espéraient encore la délivrance de Jérusalem (chapitre 24).

          Certaines pages d’Ézéchiel sont d'un réalisme effrayant, plus spécialement les chapitres 16 et 23. Mais le caractère de l'alliance entre Israël et son Dieu une fois compris, tout s'éclaire. Des descendants d'Abraham, Jéhovah avait voulu faire son épouse.Il entendait se les attacher par les liens d'un amour et d'une fidélité indissolubles. Aussi, tout écart de ce peuple, porté par un penchant invincible à s'allier aux nations environnantes et à adopter leurs dieux, ne pouvait-il être plus exactement caractérisé que par les termes d'adultère et de prostitution. A cet égard, Ézéchiel dépasse en virulence tout ce qui a été écrit sur ce thème-là dans la Bible.

          On pourrait se demander: est-il nécessaire de flétrir le péché d'une manière aussi hideuse aujourd'hui ? Ces pages ont-elles encore leur place dans nos Bibles ? A notre tour, nous demanderons: le péché est-il moins grave, moins étendu aujourd'hui qu'au temps du prophète? II nous semble, au contraire, que si les circonstances ont changé, la corruption est tout aussi grande, si ce n'est plus profonde, au sein d'une chrétienté qui descend rapidement la pente de l'apostasie. Même l'enfant de Dieu, qui connaît un peu son propre cœur, trouvera des raisons pour s'appliquer bien des passages, parmi les plus sévères du prophète.

 

F. BERNEY

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