LA PERSEVERANCE DE CALEB

                

 

LA PERSEVERANCE DE CALEB

 

Josué 14

 

Je désire m’arrêter un peu sur ce chapitre, à cause de son importance pratique. Caleb est le type de la persévérance de la foi. Le chapitre 13 des Nombres mentionne pour la première fois son nom (v.6), lorsque Moise envoie du désert de Paran un homme de chaque tribu pour reconnaître le pays. Parmi ces douze hommes se trouvaient Caleb, fils de Jephunné, et Osée, fils de Nun, que Moïse nomma Josué (v. 9, 17).

Dès ce moment on trouve le nom de Caleb si intimement lié à celui de Josué (voyez Nomb. 14.30, 38 ; 26.65 ; 34.17-19 ; Deut. 1.36-38 ; Jos. 14.13), que l’on peut dire qu'il en est inséparable. Ils reconnaissent ensemble le pays. marchent en¬semble par le désert, entrent ensemble en Canaan. Sans doute. ils sont unis par leur caractère particulier d'hommes de foi, mais je trouve une autre raison bénie à cette association que la Parole nous signale. Josué est un type de Christ, de Jésus, Sauveur, faisant entrer son peuple dans le repos du pays de la promesse, et Caleb marche en sa compagnie. Le grand nom de Josué abrite, pour ainsi dire, celui de Caleb, et lui imprime son caractère. Ces deux hommes ont une même pensée, une même foi, une même confiance, un même courage, un même point de départ, une même marche, une même persévérance, un même but. En est-il ainsi de nous, cher lecteur ? Sommes-nous tellement associés à Christ, qu'on ne puisse prononcer notre nom sans le sien, et que toute no¬tre existence tire sa valeur du fait que nous sommes devenus, par grâce, compagnons du Seigneur Jésus ?

Au chapitre 13 des Nombres, les douze hommes envoyés par Moïse vinrent jusqu'à Hébron, puis passèrent de là au torrent d'Eshcol d'où ils rap¬portèrent les magnifiques produits de la terre de Canaan, pour prouver l'excellence de ce pays. Mais ce n'est pas. comme on pourrait le penser, Eshcol qui a captivé les yeux et le cœur de Caleb ; sa foi lui a fait trouver quelque chose de mieux. Hébron, où il a mis le pied, lui est donné (Chapitre 14.9). Dès lors il portera ce nom sur son cœur pendant quarante-cinq ans, jusqu'au jour où, paraissant devant Josué, il réclamera cette « montagne dont l'Eternel a parlé », cet Hébron, pour sa possession perpétuelle.

Ce lieu même ne laissait pas d'avoir une grande célébrité. Pour les yeux de la chair, à la vérité, il ne pouvait inspirer que de l'effroi. Les formidables Anakim y demeuraient, ces géants dont le nom seul avait fait fondre le cœur du peuple. Mais quel souvenir puissant offrait à l'âme de Caleb ce lieu de la sépulture des pères. La place qui représentait de si grands souvenirs, devenait la récompense de cet homme de Dieu. Ce fut là qu'Abraham, le père du peuple, choisit sa résidence (Genèse 13.18), lorsque Lot eut préféré les villes de la plaine ; là qu'il bâtit un autel à l'Eternel et qu'il reçut la promesse de Dieu (Gen. 18.1) ; mais Hébron est avant tout, d'une ma¬nière prééminente, la place de la mort. Il le fut premièrement pour Abraham. Ce fut là que Sara mourut (Gen. 23.2), là qu'elle fut ensevelie et que fut enterré Abraham (Gen. 25.10), puis Isaac (Gen. 35.27-29), puis Jacob et les patriarches. Oui, Hébron est bien le lieu du sépulcre, l'en¬droit de la mort ; la fin de l’homme. Mais qu'y a-t-il là qui puisse attirer ? Rien, s'il s'agit de l'homme naturel ; tout, s'il s'agit de la foi. Hébron est une place spéciale où le croyant trouve la fin de lui-même ; c'est la croix de Christ. Mais en¬core : c'est de là que Joseph se met en route pour aller à la recherche de ses frères (Gen. 37.14). Plus tard (Jos. 21.11) Hébron devient une ville de refuge et la propriété des Lévites. Puis c'est le point de départ de la royauté de David (2 Sam. 2.1-4), car c'est en vertu de sa mort que Jésus a été ressuscité et couronné de gloire, et que le diadème de la royauté sera sur sa tête. C’est enfin là que toutes les tribus d'Israël reconnaissent leur roi et viennent lui faire leur soumission (2 Sam. 5.1).

Cette place n'est-elle pas merveilleuse ? Quelle grande série de bénédictions ! Hébron, lieu de la mort, lieu de refuge, point de départ pour Israël des bénédictions, des promesses, de la royauté et de la gloire, centre de ralliement quand la gloire est venue : et, avec tout cela, objet permanent du cœur et des affections d'un pauvre pèlerin qui y a trouvé son propre point de départ, et qui y trouve son point d'arrivée, son lieu de repos éternel ! Ah ! comme ce lieu, le moins fait en apparence pour attirer, avait de prix pour Caleb ! Il le veut pour portion perpétuelle, et notre part éternelle à nous sera de sonder ce qu'exprime cet endroit unique. La foi de Caleb pouvait y saisir, dès l'origine, ce que la foi d'Abraham y avait trouvé : la fin du moi, l'anéantissement de lui-même, les choses vieilles passées ; et voici un homme qui se met en marche, ne comptant nulle¬ment sur lui-même, ne pouvant dépendre que de Dieu. Il marche, jusqu'à ce qu'il ait atteint son but, la pleine jouissance des promesses, à l'endroit même où l'homme a trouvé sa fin !

Nous venons de considérer deux points qui caractérisent Caleb. Le premier, c'est que son nom est inséparable de celui de Josué ; le second, qu'un objet spécial a attiré ses affections et s'est telle¬ment emparé de son cœur, qu'il en a conservé le souvenir tout au long de son pèlerinage dans le désert. Or, permettez-moi d'ajouter que nos affections sont toujours en jeu, quand elles ont pour objet un Christ mourant sur la croix, se donnant lui-même pour nous ; tandis qu'un Christ glorieux nous communique l'énergie pour l'atteindre.

Mais il est un troisième point qui caractérise cet homme de foi. Caleb réalise son espérance. Il entre d'abord en visiteur dans le pays de Canaan ; mais, c'est là, non pas dans le désert, que sa carrière commence. Quand il entre dans le désert, ses yeux sont pleins de la réalité et de la beauté des choses qu'il a vues et qui deviennent, pendant quarante-cinq ans, l'objet de son espérance. Il en est de même pour le Psalmiste. « O Dieu ! tu es mon Dieu ; je te cherche au point du jour ; mon âme a soif de toi ; ma chair languit après toi, dans une terre aride et altérée, sans eau, pour voir ta force el ta gloire comme je t'ai contemplé dans le lien saint (Ps. 63. 1-2) . Cet homme marche à l'exemple de Caleb. Il a vu Dieu dans le sanctuaire ; c'est là qu'il prend son point de départ ; de là il descend sur la terre, plein de la réalité glorieuse des choses divines qui vont sou¬tenir son cœur tout le long du pèlerinage par lequel il veut les atteindre.

Un quatrième point se lie à celui-ci. Le désert a non seulement perdu toute attraction, mais ap¬paraît réellement dans toute sa sécheresse et son horreur, quand l’âme est nourrie de la moelle et de la graisse du sanctuaire. Alors le ciel devient pour nous la mesure de la terre ; et ainsi toute l'apparente valeur des choses visibles disparaît entièrement ; elles ne sont plus pour l'âme que vide, sécheresse et néant.

Revenons maintenant, chers amis, à la persévérance qui forme le caractère dominant de Caleb. Ce caractère n'existerait pas sans les quatre points que nous avons mentionnés. L'attachement à Christ, la connaissance de la valeur infinie de son œuvre, une espérance réalisée, aucune attache ici-bas, nous permettent de persévérer jus¬qu'au bout dans le chemin de la foi. — Cette persévérance se lie, dans la vie de Caleb, à trois positions qui sont inséparables l'une de l'autre.

Quand il s'agit de prendre d'avance connaissance du bon pays que Dieu voulait donner à son peuple. il est dit de Caleb qu'il persévéra à suivre l'Éternel (Nomb. 14. 24 ; Deut. 1.36 ; Jos. 14.8-9). Mais il lui faut marcher encore quarante ans dans le désert, et il le fait courageusement ; il per¬sévère, parce qu'il conserve dans son cœur le sou¬venir des richesses et des trésors de Canaan. Les difficultés du désert ne sont rien pour lui ; il y trouve le soleil, le sable, la fatigue et la soif, et n'en tient aucun compte. Il ne lui arrive pas un instant de chercher quelque chose autour de lui. Sa persévérance est alimentée par son espérance, et l'espérance du croyant n'est pas seulement Canaan d'une manière générale, c'est-à-dire le ciel, — Mais Christ.

Il y eut un homme très renommé, dont Dieu ne put dire ces choses. Salomon manqua où Caleb avait persévéré. Le désert avait acquis de la valeur pour ce grand roi. Un moment arriva où Salomon tourna le dos à Dieu. ayant aimé quelque chose dans le désert. Il est dit de lui (1 Rois 11.6) : « il ne suivit pas pleinement l'Éternel ». Le monde eut des attraits pour lui, et quelque petits qu'ils fussent au commencement, ils ne tardèrent pas à l'envahir et son royaume fut perdu. Il en fut autrement de Caleb qui gagna son héritage par sa persévérance à suivre l'Éternel.

Mais Caleb persévère encore dans une troisième position, dans la prise de possession en Canaan. Il passe cinq nouvelles années à combattre, puis se sert de ses armes pour s'emparer de sa portion spéciale, de la montagne dont l'Éternel avait parlé. Il entre en pleine possession de son héritage, malgré la puissance formidable de l'ennemi et la frayeur qu'inspiraient les fils d'Anak. Mais, pour Caleb, comme pour nous, c'est un ennemi déjà vaincu, celui qui a la puissance de la mort ; il ne peut nous effrayer. La mort est à nous. Caleb entre, dis-je, en pleine possession de son héritage. Sa persévérance est couronnée de succès. Il est le seul en Israël qui semble avoir dépossédé toua ses ennemis. — Quelle leçon pour nous, bien-aimés. Souvenons-nous que la prise de possession de Caleb est pour nous un fait actuel, et non pas seulement une jouissance future. Avons-nous persévéré dans le combat pour jouir maintenant de nos privilèges ? Que Dieu nous donne de persévérer comme Caleb dans ces trois choses, dans l'espérance, dans la marche et dans le combat.

A la fin de notre chapitre, nous trouvons encore deux caractères qui accompagnent toujours la persévérance. Caleb dit au v. I1: « Je suis encore aujourd'hui fort comme le jour où Moïse m'envoya ; telle que ma force était alors, telle ma force est maintenant, pour la guerre, et pour sortir et entrer ». Malgré ses quatre-vingt-cinq ans et la fatigue du désert, Caleb n'avait pas perdu un atome de sa force. Comment cela ? C'est qu'il n'avait aucune confiance en lui-même. La leçon d'Hébron était restée gravée dans son cœur. Il dit au v. 12 : « Peut-être que l'Éternel sera avec moi ». Vous direz : il se défiait donc de l'Éternel ? Non, il se défiait de lui-même. Il comprenait que s'il y avait un obstacle à ce que l'Éternel fût avec lui, il ne pouvait venir que de lui-même. Remarquons la liaison de ces deux choses : la réalisation de la force est en proportion de la défiance de soi-même. C'est ainsi que l'on marche de force en force. Es. 40.28-31, nous présente la même vérité d'une manière admirable. « Les jeunes gens, dit-il, seront las et se fatigueront, et des jeunes hommes deviendront chancelants ». Voilà à quoi aboutissent les meilleures forces de l'homme. Mais « le Dieu d'éternité, l'Éternel... ne se lasse pas et ne se fatigue pas ». En lui est notre con-fiance. Et de plus : « Il donne de la force à celui qui est las, et il augmente l'énergie à celui qui n'a pas de vigueur ». Il communique sa force aux faibles ; il la manifeste dans l'infirmité. Puis il ajoute : « Mais ceux qui s'attendent à l'Éternel renouvelleront leur force ; ils s'élèveront avec des ailes comme des aigles, ils courront et ne se fatigueront pas, ils marcheront et ne se lasseront pas ». Tel fut le cas de Caleb. Il marchait dans la conscience que sa force était en Dieu, et qu'elle était avec lui, cette force. Qu'il en soit de même pour nous, et puissions-nous aussi planer dans les choses célestes, courir dans l'arène du combat et marcher patiemment, sans nous lasser, dans le chemin qui aboutit à la gloire !

J'ai à parler encore d'un second caractère accessoire de la persévérance. Elle produit la persévérance chez les autres. Par elle, Caleb fut particulièrement béni dans le cercle de sa famille, qui se trouva engagée à sa suite dans le même chemin de la foi. Au chapitre 15.16 .(voyez aussi Juges 1.12-13), il est dit : « Et Caleb dit : A qui frappera Kiriath-Sépher et la prendra, je lui donnerai ma fille Acsa pour femme. Et Othniel. fils de Kenaz, frère de Caleb, la prit, et Caleb lui donna sa fille Acsa pour femme ». Le neveu suit digne¬ment les traces de l'oncle. Il combat, ayant devant lui un objet qui a du prix à ses yeux, et qu'il veut posséder. Son espérance s'attache à la fille de Caleb. — Et nous. voulons-nous posséder Christ à tout prix ? Au chapitre 3 des Juges, Othniel devient le premier juge d'Israël. Après avoir été vainqueur dans le combat pour lui-même, il est suscité pour délivrer les autres, et persévère dans ce nouveau caractère jusqu'au bout.

Acsa, fille de Caleb, est un nouvel exemple de persévérance. Caleb l'avait donnée à Othniel ; elle incite son mari à demander davantage. Il lui faut un champ, et par-dessus des sources d'eau. Elle veut la bénédiction sur le champ qu'elle possède. Pour l’avoir, elle descend de son âne et fait sa requête ; elle persévère dans la prière et les supplications. Aussi reçoit-elle largement ces sources, types des bénédictions spirituelles. Cela aussi, cher lecteur, est d'un enseignement journalier. Quand nous avons en main la Parole, de¬mandons-nous sans relâche à Dieu les « sources d'eau » ? Cette Parole vivante est néanmoins pour beaucoup de chrétiens comme une « terre du midi » toute sèche, dans laquelle leur âme ne trouve aucune subsistance. Si tel est votre cas, avez-vous pris comme Acsa, la place de suppliants pour demander à Dieu les secours spirituels qui peuvent la faire fructifier pour votre âme ? Ne vous donnera-t-il pas une réponse, telle que Caleb la donna à Acsa ?

Avant de quitter le sujet de la persévérance, je voudrais encore toucher un ou deux points im¬portants. Il est dit de Caleb, qu'il « avait pleine¬ment suivi l'Éternel, le Dieu d'Israël ». Il avait persévéré à la suite de Christ, connu de lui comme le Jéhovah de l'Ancien Testament. Qu'est-ce donc que suivre quelqu'un ? On s'en fait souvent une idée bien inexacte. C'est marcher derrière une personne que nous reconnaissons comme le guide qu'il nous faut. Si l'on a confiance en soi-même, on n'a pas besoin d’un guide. Mais, de plus, marcher derrière le Seigneur implique non seulement la confiance en lui, mais une humble dépendance de lui. Autre point : En suivant quelqu'un, j'ai les yeux fixés sur lui pour l'imiter. Imiter le Seigneur, c'est chercher à le reproduire, à lui ressembler. Dans quelque position que Dieu me place, son but est que je reproduise Christ dans cette position ; Christ, comme l'a dit un frère, dans ses relations, dans son service, dans son témoignage et dans ses souffrances. C'est ce que fit Caleb. Il suivit pleinement, d'une manière complète (je ne dis pas parfaite), l'Éternel son Dieu.

Mais, sur ce point, l'on peut encore demander : à quoi s'applique la persévérance ? le Nouveau Testament répond largement à cette question. Je ne citerai que quelques passages :

Actes 1.14 : « Tous ceux-ci persévéraient d'un commun accord dans la prière ». C'était à la prière que la persévérance s'appliquait, et en outre cette persévérance était collective. Ils ne se bornaient pas à fléchir le genou, chacun pour soi, devant le Seigneur, et chacun pour ses propres besoins, mais ils étaient unanimes à prier pour les choses qu'ils ressentaient en commun.

Actes 2.42. Nous trouvons encore ici la persévérance collective, mais s'appliquant à quatre choses : d'abord, « la doctrine et la communion des apôtres ». Les premiers chrétiens ne se bornaient pas à suivre la doctrine des apôtres, mais ils imitaient l'exemple que les envoyés du Seigneur donnaient dans toute leur vie. — Ensuite « la fraction du pain et les prières » : le mémo¬rial des souffrances de Christ, et les relations de l’âme avec Dieu, s'exprimant dans la dépendance de lui.

I Tim. 5.5. Voici la persévérance individuelle « dans les supplications et dans les prières ». Pourquoi la veuve y persévère-t-elle « nuit et jour » ? Parce que, seule et sans ressources, elle ne peut s'adresser qu'à Dieu. C'est ainsi qu'elle apprend la dépendance.

1 Tim. 4.16. Nous trouvons ici (lisez soigneusement ce qui précède le passage cité) la persévérance dans toutes les choses qui ont trait à la piété.

2 Tim. 3.10. Timothée, lui, avait « pleinement suivi » l'apôtre, dans toutes les choses qui avaient caractérisé sa vie tout entière. L'apôtre lui-même (4.7) avait persévéré jusqu'au bout dans le combat, la course et la foi. 

Nous voyons, par ces quelques exemples, que la persévérance s'applique à tous les détails de la vie chrétienne. Puissions-nous la connaître mieux afin qu'au bout de notre carrière, comme Caleb, nous recevions de Dieu lui-même ces paroles d'approbation : « Il a pleinement suivi l'Éternel, le Dieu d'Israël ! »

 

H.R.

 

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