SUR QUI EST BATIE L’EGLISE ?

 

 

SUR QUI EST BATIE L’EGLISE ?

 

Pensons aux conditions de la construction des maisons en Palestine : avant d’édifier quoi que ce soit, on creusait jusqu’au roc partout sous-jacent (Mt 7.24-27 ; Luc 6.47-48). Ce roc ne peut être personne d’autre que Christ.

Sur ce roc on posait la première pierre, pierre d'angle ou de fondation. Pourquoi ne serait-ce pas Pierre l'apôtre ? Mais depuis quand est-il Pierre ? depuis un instant à peine, depuis que Christ vient de le prononcer. Par quoi l'est-il devenu ? Par sa confession : « Tu es le Christ, le Fils du Dieu vivant. » En reconnaissant en Jésus le Christ, le Messie, une transformation s'est opérée en lui.

Il est évident que nous ne pouvons pas l'identifier à celle des croyants après la Pentecôte. Depuis l'effusion de l'Esprit, ceux qui confessent Christ comme le Fils de Dieu, mort pour leurs péchés et ressuscité pour leur justification selon les prophéties, deviennent « participants de la nature divine » (1 Pi. 1. 4), de la même nature que le Roc : Christ1.

Par cette transformation, Simon, fils de Jonas devenu Pierre, a été rendu apte à entrer dans la construction de l'édifice de Dieu, l'Eglise. C'est l'image qu'il a lui-même développée dans son épître : « Approchez-vous de lui, pierre vivante... et vous-mêmes, comme des pierre vivantes (donc de même nature que lui) édifiez-vous pour former une maison spirituelle » (1 Pi. 2.4-5).

Quelle est la place de Pierre dans cet édifice ? Il est le premier qui ait confessé que Jésus est le Christ, il est la première pierre, cette pierre sera posée tout en bas sur le roc.

Ainsi la maison sera bâtie à la fois sur le Roc : Christ, sur Pierre : première pierre de l'édifice et sur la déclaration qu'il vient de faire puisque c'est par elle qu'il est devenu Pierre. Pierre a été la première pierre posée sur le roc ; il n'a pas été la seule, l'Eglise est édifiée « sur le fondement des apôtres et des prophètes » (Eph. 2.20 ; v. Ap. 21.14). Eux aussi ont confessé que Jésus est le Christ, eux aussi ont reçu — comme du reste l'ensemble des disciples de Jésus (Jn. 20. 19-23) — ce « pouvoir des clés » que l'Eglise romaine voudrait réser¬ver à Pierre : « Tout ce que vous lierez sur la terre sera lié dans le ciel et tout ce que vous délierez sur la terre sera délié dans le ciel. » (Mt. 18.18.)  « Ceux à qui vous pardonnerez les péchés, ils leur seront pardonnés ; et ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus. » (Jn 20.23.) « Nous avons la même progression pour « les clés » que pour la « Pierre » — Jésus est la Pierre ; l’apôtre est la première pierre ; les chrétiens sont des pierres. De même Jésus a les clés (Ap. 3. 7) : l'apôtre est le premier à recevoir les clés ; les chrétiens ont eux aussi la promesse des clés. » (Jean Cadier.)2 « Pierre est la première partie de la construction à laquelle le reste sera adossé.» (Schlatter.)3 « II ne s'agit en rien d'une primauté, mais d'une prio¬rité. » (J. Blocher.) « En Mt. 16.17 ss. Il faut entendre le fondement au sens chronologique exactement comme en Eph. 2.20 et Rom. 15. 20. » (0. Cullmann.) 

Ce pouvoir de délier des âmes retenues jusque-là captives du péché et du diable, Pierre sera aussi le premier à l'exercer le jour de la Pentecôte, lors de la fondation de l'Eglise et dans la maison de Corneille en prêchant l'Evangile pour la première fois aux païens (Act. 10).

 

Alfred KUEN

www.batissezvotrevie.fr

 

1. « Quand, éclairés par le Père céleste, nous faisons la profession de foi que Pierre a faite, nous devenons peut-être la même chose que Pierre, c'est-à-dire que nous sommes déclarés bienheureux comme il l'a été. Alors nous sommes faits Pierre et le Christ nous dit : Tu es Pierre, attendu que tout disciple du Christ est une pierre. Si vous imaginez que toute l'Eglise a été fondée sur ce Pierre, que faites-vous de Jean et de chacun des apôtres ? »  Origène (Migne, t. XII. 10-14).

 

2. Jean Cadier : « L'Apôtre Pierre est-il le Chef de l'Eglise ? » p. 11 (Soc. cen¬trale d'évangélisation, Paris).

Ces promesses faites à Pierre personnellement (les clés, tout ce que tu lieras...) confirment l'interprétation qui identifie Pierre et la Pierre. La réali¬sation de ces promesses dans la vie de Pierre nous indique également le sens et la portée des différentes prérogatives qui lui furent assurées : la promesse de clés trouve un double accomplissement dans l'entrée des Juifs et des païens dans le royaume, en réponse au message de Pierre (Act. 2 et 10). La parole : « tout ce que tu lieras » a été diversement interprétée. En la rapprochant de Jn 20.23, on peut y voir la remise des péchés (délier les âmes par le pardon de leurs péchés ; Pierre a eu maintes occasions d'exercer ce pouvoir). Si on considère le contexte de Mt 18, on y verra une allusion à la discipline ecclésiastique, lier serait bannir (Josèphe emploie ce verbe dans ce sens), délier : libérer du ban. Rien n'indique cependant qu'il faille restreindre l'application de ces mots à la discipline dans Mt. 16. On a également rapproché de cette parole, l'usage rabbinique des mots lier et délier qui en fait des synonymes de défendre ou permettre (ex. Ramasser du bois mort le jour du sabbat : l'école de Schimméi « lie », l'école de Hillel « délie »). Ces paroles signifieraient donc : ce que les apôtres permettront dans l'Eglise aura une autorité divine (ex. Act. 15.20). Cela voudrait dire que Jésus leur donne auto¬rité pour fixer les règles d'organisation de l'Eglise ; ces règles seront les seules qui feront loi pour les chrétiens de tous les temps. Le sens étendu de ces mots dans le langage des rabbins est simplement : enseigner, l'enseigne-ment de la vérité lie ou délie les âmes, ouvre ou ferme. Cette promesse viendrait donc confirmer la précédente. L'enseignement des apôtres a été considéré par toutes les églises chrétiennes comme la norme de tout enseignement chrétien.

Une autre interprétation rapporte l'accomplissement de la promesse de lier au lien établi par la prédication de Pierre entre les Gentils et l'ecclésia de Dieu. « Il créa ainsi un nouveau lien entre les Juifs et les Gentils, une union dans le Messie, valable pour la terre comme pour les cieux. De même il délia les Juifs de l'interdiction d'entretenir des rapports avec les non-Juifs. » (A. Waldstein.)

Quelle que soit l'interprétation adoptée, il ne s'agit dans tous les cas que d'un rôle temporaire accompli par l'apôtre Pierre au cours de sa vie et nulle¬ment d'une prérogative transmissible. L'accomplissement de la première promesse doit avoir le même caractère.

 

3. “Der Evangelist Matthäus” (Stuttgart 1929), p. 507.

C'est aussi la conclusion de l'étude minutieuse d'O. Cullmann sur les différentes exégèses de ce passage : ce que Jésus dit vaut pour Pierre seul qui forme une fois pour toutes le fondement terrestre de l'Eglise encore à bâtir, la première pierre qui portera toutes les autres (v. op. cit., p. 191).

Certains ont même traduit « épi » (« sur » cette pierre) par « à la suite de » (cette pierre) ce qui résoudrait élégamment toutes les difficultés que ce ver¬set a soulevées.

 

 

 

 

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