LA PLACE DE LA CROIX DANS L’EVANGILE (1° partie)

  

 

LA PLACE DE LA CROIX DANS L’EVANGILE (1° partie)

 

Pour nous rendre compte de la place que doit occuper la croix de Jésus-Christ dans l'évangélisation, essayons de bien voir, tout d'abord, celle qu'elle occupe dans l'Evangile lui-même, je veux dire dans les quatre récits sur lesquels est basée la doctrine chrétienne. Il ne nous sera pas difficile de constater que la croix, c'est tout l'Evangile. Mais pour mieux nous en assurer, essayons de nous représenter quelles seraient les impressions d'un homme qui lirait l'Evangile pour la première fois.

 

Imaginons-le, cet homme, sous les traits d'un Français de notre temps, d'intelligence et d'éducation moyennes ; très sommairement informé, comme la plupart de nos concitoyens, des choses de la religion. Cependant cet homme, qui a beaucoup vécu, c'est-à-dire beaucoup péché et beaucoup souffert, voit approcher le soir de la vie avec inquiétude. Sa conscience s'est éveillée. Et ce n'est pas seulement pour lui-même qu'il est inquiet : il a des fils qui s'en vont à la dérive. Il est bon patriote, et l'avenir de la France a une place dans ses préoccupations. Enfin, l'Esprit de Dieu est à l’œuvre en lui, et le pousse à cette recherche de la vérité, toujours couronnée de succès quand elle est entreprise par les cœurs simples. Il veut connaître le christianisme. Il est retourné à la messe, mais n'a rien compris à ces rites compliqués qui ne disent rien à la conscience ; blasé d'art et de musique, il a eu le bon sens de ne pas rechercher dans le culte une émotion artistique ; il veut éprouver le frisson que l'âme doit ressentir en présence de la vérité. Il est venu dans nos temples, et le langage de nos prédicateurs l'a touché davantage que les rites romains ; pourtant, il ne s'est pas senti encore en contact avec la vérité essentielle, absolue ; ce sont des rayons de l'astre qu'il a vus briller ; ce n'est pas l'astre lui-même. En sortant du temple, il a accepté un Nouveau Testament, qu'on lui a présenté comme étant la source pure de notre foi. Notre homme a promis de le lire, ému déjà par l'insistance affectueuse qu'un inconnu a mise à le lui offrir. Et il tient parole.

 

Les impressions qu'il éprouve à cette lecture sont mêlées, un peu confuses. Tâchons cependant de les définir et de les présenter dans un certain ordre. La théologie de ce chercheur de bonne foi étonnera peut-être les théologiens de profession ; mais n'oublions pas que l'Evangile est écrit pour les simples. par des simples.

 

Sa première impression sera sans doute l'étonnement. Aucun livre ne ressemble à celui-ci. Grand liseur, notre homme dévore aisément un volume en une soirée ; mais ces quatre petits écrits ne peuvent être absorbés si vite : c'est vingt, c'est trente séances qu'il lui faudra pour en venir à bout. A chaque ligne, presque à chaque mot, il est arrêté. Ce qu'il lit le déconcerte, l'émerveille, mais surtout le subjugue. Il se sent dominé par le ton d'autorité tranquille et sûre d'elle-même qui règne dans ce livre. Ces Evangiles ne sont ni des biographies, ni des exposés de doctrine, ni des apologies, encore moins des écrits de forme hautaine et de langage cryptographique que pourraient seuls comprendre des initiés... C'est le ton de la vérité éternelle s'exprimant par des bouches d'enfants.

 

La seconde impression que notre lecteur recueille de sa lecture, c'est que Jésus-Christ remplit ce livre, comme aucun héros ne remplit la biographie, même la plus glorificatrice, qu'on ait jamais pu écrire. Dans une biographie ordinaire, quelque chose domine toujours le personnage que l'on raconte : si c'est un savant, la science ; si c'est un soldat, la gloire ou la patrie : il est mort, mais elles sont immortelles. Si c'est un artiste, la beauté idéale l'a toujours dépassé, et sa grandeur, justement, a été dans cette recherche, toujours poursuivie sans qu’elle ne soit jamais arrivée à terme. Si c'est un saint, Dieu est plus grand, et d'un autre ordre de grandeur, que lui. Mais ici le serviteur de la vérité, de l'idéal, de l'humanité, de Dieu, se confond avec tous les objets qu'il a servis. Sans doute, Jésus rend hommage à la vérité, mais c'est en s'identifiant avec elle ; il proclame son obéissance envers Dieu, mais en se déclarant son Fils unique et en acceptant l'adoration qui ne revient qu'à Dieu seul. Quant aux écrivains qui racontent son histoire, ils ne sont rien ; aucun d'eux ne se met en scène à aucun moment. Et sous leur plume, les personnages de second plan, même les plus importants, ne comptent que par les rapports qu'ils ont eus avec le personnage unique : Jésus.

 

(à suivre)

Ruben SAILLENS

www.batissezvotrevie.fr

 

 

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