POURQUOI DIEU PERMET-IL LA SOUFFRANCE ?
« L'homme naît pour souffrir comme l'étincelle pour voler » (Job 5.7). Sur ce point, au moins, l'ami de Job a certainement dit vrai. La souffrance est inséparable de la condition humaine. C'est là le lot universel de tous les hommes. Chacun, sans exception, est confronté au problème de la souffrance.
Cela est dû, en premier lieu, A notre nature mortelle. Tout homme naît pour mourir ! Dès le premier souffle, la vie est un combat incessant contre le processus de vieillissement, et, tôt ou tard, cette lutte se termine par la mort. La médecine moderne a fait d'énormes progrès, elle a permis de prolonger l'existence, notamment en Occident, où l'espérance de vie est beaucoup plus longue qu'il y a une génération et dépasse très largement celle des pays sous-développés. Mais, dans le meilleur des cas, les soins médicaux ne font que ralentir le processus qui aboutit inéluctablement à la mort.
La mort n'est pas le simple passage dans un autre monde. Etroitement liée à la souffrance, elle est souvent précédée par des maladies plus ou moins douloureuses ; elle survient parfois à la suite d'un accident, d'un acte de violence et plonge soudainement parents et amis dans le deuil. Pour la plupart d'entre nous, la mort signifie vies brisées, douleur, pleurs, souffrance.
Notre environnement, aussi, peut être la cause de souffrances et de mort. Que la mousson soit trop peu abondante en Inde, et c'est la famine ; qu'une tornade s'abatte sur la campagne et le pays est dévasté. Même les sociétés les plus évoluées et les plus aptes à maîtriser la nature sont sans défense devant les tremblements de terre.
Mais il est aussi d'autres souffrances : par exemple le déchirement de jeunes parents dont l'enfant est frappé d'une infirmité physique ou mentale ; au lieu de se réjouir devant la promesse d'une vie épanouie, il faut affronter la dure perspective d'une existence qui, dans les cas limites, n'aura rien d'une vie humaine. Il y a la souffrance causée par l'homme lui-même ; des enfants viennent au monde malades à cause de la vie dissolue de leurs parents ; des existences sont ruinées par des accidents dus à l'alcoolisme. Il y a enfin le crime et la guerre, exemples extrêmes de la brutalité de l'homme envers ses semblables.
La souffrance de l'homme est plus intense que celle de l'animal, car l'être humain peut anticiper la douleur. Il sait, par exemple, que d'autres ont horriblement souffert de cette maladie incurable qui, maintenant, le frappe lui aussi ; il peut facilement imaginer ce qu'il devra endurer. Cette anticipation de la douleur, et le tourment mental qu'elle entraîne, sont encore renforcés par le désir de vivre et de recouvrer la santé. L'homme désire vivre, son instinct de conservation est profondément enraciné en lui, et cependant, il sait qu'il va mourir.
La souffrance, et tout ce qu'elle entraîne, suscite bien des questions. On peut tout d'abord remarquer que la somme de douleurs qu'un individu doit endurer semble n'avoir aucun rapport avec la qualité de sa vie. Ainsi, un criminel peut échapper à la justice et couler des jours heureux dans le luxe en jouissant d'une bonne santé, tandis qu'une infirmière est paralysée pour le reste de ses jours à la suite d'un accident d'automobile. Au vu de tels faits, le monde semble cruel et la justice absente.
D'autres inégalités apparaissent : tous les hommes ne sont pas frappés de la même manière par la souffrance. Telle personne jouit d'une longue vie, d'une bonne santé, d'une famille heureuse et d'une brillante carrière. Telle autre est affaiblie par la maladie, perd un enfant, voit sa situation professionnelle brisée. Je me souviens d'avoir visité une femme qui se mourait d'un cancer incurable ; elle venait d'apprendre la mort de son mari dans un tragique accident de travail. C'est la vie ! disons-nous. Oui, certes, mais nous ne pouvons écarter les questions lancinantes qui nous assaillent : pourquoi une telle inégalité devant la souffrance ? Pourquoi une famille est-elle éprouvée si durement alors que d'autres sont comparativement épargnées ? Pourquoi certains pays jouissent-ils paisiblement d'un niveau de vie décent tandis que d'autres, pauvres, sont dévastés par des inondations ?
Pour chacun, la souffrance pose des questions angoissantes, mais surtout pour le chrétien. Son « pourquoi ?» en face de la douleur est souvent le cri d'une âme déchirée par l'angoisse. Comment ce Dieu tout-puissant, en qui il a mis sa confiance, peut-il laisser les hommes souffrir, se détruire les uns les autres ? Pourquoi n'utilise-t-il pas son pouvoir pour supprimer les maux dont souffre l'humanité ? Comment un Dieu d'amour peut-il permettre que des enfants soient handicapés, des populations frappées par la famine ou par des tremblements de terre, des malades torturés dans une agonie interminable ?
Dans un monde sans Dieu, où il s'agirait simplement de lutter pour survivre, il n'y aurait ni de telles questions, ni, non plus, de solutions. Mais le cœur humain réclame désespérément une réponse, qui apporte quelque lueur à celui qui est plongé dans le désespoir.
L'ancienne philosophie stoïcienne, qui veut que l'on demeure imperturbable devant les coups du sort, peut sembler un noble idéal ; certains, raidis dans leur douleur, trouveront là quelque soutien. Mais elle n'apporte guère de réconfort à l'âme sensible qui ne peut mobiliser les ressources d'une volonté de fer.
A l'opposé des stoïciens, il y avait, dans le monde grec, les épicuriens. Ils reconnaissaient la maladie et la mort comme inévitables, et avaient compris que le cœur de l'homme avec ses émotions, son désir de vivre, ne serait guère satisfait par la pensée désespérée des stoïciens. Aussi conseillaient-ils d'ignorer la mort et de jouir pleinement de tout ce que la vie apporte. Chacun connaît la devise qui leur est attribuée : « Mange, bois et sois heureux car demain tu mourras. »
Mais essayer d'oublier la souffrance par quelque distraction, c'est cacher sa tête dans le sable, comme l'autruche. Le remède est de courte durée, car toute nuit de fête a son lendemain qui peut être amer. En fuyant ainsi les difficultés, on n'évite pas les crises. Au contraire, on devient toujours plus incapable de faire face à l'épreuve lorsqu'elle survient.
On peut rejeter et la pensée épicurienne et le fatalisme stoïcien qui n'apportent aucune réponse. Il reste l'apitoiement sur soi-même. De toutes les réactions possibles, cette dernière est la plus futile. Elle n'offre pas de solution et elle n'affermit nullement celui qui souffre. C'est une attitude négative qui conduit à l'amertume, au cynisme et, en définitive, au désespoir.
Qu'en est-il du chrétien? A-t-il une réponse à apporter ? Oui, mais il doit avant tout se garder de paroles gratuites, superficielles, de phrases toutes faites qui n'abordent pas les vrais problèmes. Parler légèrement en face de la souffrance, c'est faire preuve d'insensibilité et ajouter encore à la détresse. Le chrétien doit repousser toute solution de facilité ; il doit reconnaître qu'il n'a pas une réponse pleinement satisfaisante à offrir. Ses paroles pourront, certes, apporter un grand réconfort, mais il demeurera toujours une part de mystère. Parfois, la seule réponse sera : «Je ne comprends pas mais je sais que je peux faire confiance à mon Père céleste.»
(à suivre)
Herbert CARSON
www.batissezvotrevie.fr
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