LA RESURECTION SPIRITUELLE (2° partie)

 

 

LA RESURECTION SPIRITUELLE

(2° partie)

 

Discours prononcé par Charles Spurgeon un jour de Pâques

 

 

Mais il est temps que nous quittions la jeune fille, pour passer au fils de la veuve de Naïn. Avant tout, observez, mes frères, qu'il n'est pas plus mort que l'enfant ; seulement il est parvenu, si je puis ainsi parler, à une phase plus avancée de la mort. Venez, approchons-nous du funèbre cortège ; arrêtons la bière ; contemplons le corps qui y est couché. Vous frémissez, n'est-il pas vrai ? vous détournez vos regards. Le visage de la petite fille était plein et coloré, mais ici, la joue est creuse, le teint livide. Et l'œil ?... oh ! quelle noirceur l'environne !... Ne pressent-on pas que le ver va bientôt paraître, que la décomposition est au moment de se faire jour ?... Ainsi en est-il d'une certaine classe de mes auditeurs. Ils ne sont plus ce qu'ils étaient dans leur première jeunesse, alors que leurs mœurs étaient à l'abri de tout reproche. Peut-être viennent-ils de tomber dans le filet de la femme étrangère ; ils commencent à se lancer dans la carrière du libertinage : leur corruption est en voie d'éclater. Ils ne sont plus, disent-ils, des enfants à la lisière ; n'est-il pas temps qu'ils s'émancipent ? Que d'autres se soumettent, si bon leur semble, à l'absurde esclavage des lois de la morale ; quant à eux, ils sont libres, ils veulent l'être, ils entendent mener joyeuse vie et ainsi, ils se précipitent dans un tourbillon de plaisirs bruyants et charnels, en sorte que les signes de la mort spirituelle se manifestent en eux avec toujours plus d'évidence. - De plus, remarquez, mes chers amis, que si jeune fille était entourée de caresses, par contre, personne ne touche le jeune homme : il est étendu sur sa bière, et quoique des hommes le portent sur leurs épaules, il n'en est pas moins vrai qu'il inspire à tous les vivants une instinctive répulsion. Jeune homme ! ne te reconnais-tu point à ce trait ? Ne sais-tu pas que depuis quelque temps les gens pieux, que dis-je tes amis eux-mêmes se tiennent à distance de toi ? Hier encore les larmes de ta mère n'ont-elles pas coulé en abondance, tandis qu'elle exhortait ton jeune frère à fuir ta société, à ne pas suivre ton exemple ? Ta sœur, ta propre sœur, qui en t'embrassant, ce matin, a peut-être instamment supplié le Seigneur de te faire recevoir du bien dans cette maison de prières, - ta sœur elle-même a honte de toi : ta conduite devient si légère, tes propos si déplacés qu'elle rougit en te voyant. Il y a aussi des maisons chrétiennes où tu étais naguère le bienvenu ; tu fléchissais le genou avec la famille assemblée, ton nom était mentionné dans la prière commune ; mais à présent, tes visites dans ces maisons deviennent de plus en plus rares, car lorsque tu y vas, on t'accueille avec réserve. Le père de famille ne voudrait à aucun prix que son fils se liât avec toi, car il sait que tu pourrais le souiller. Il ne vient plus lui-même, comme autrefois, s'asseoir à ton côté pour s'entretenir de choses saintes ; s'il te reçoit encore chez lui, c'est simplement par politesse ; mais il ne peut plus te traiter avec son ancienne cordialité, car il sent qu'entre son âme et la tienne, il n'existe plus aucun lien sympathique. Le peuple de Dieu pareillement te témoigne de la froideur ; il ne te repousse pas encore d'une manière ouverte, mais il y a dans ses rapports avec toi une contrainte qui prouve clairement que ton état de mort lui est bien connu. 

 

Un autre point de dissemblance entre le fils de la veuve et l'enfant de Jaïrus, c'est que tandis que celle-ci était encore revêtue du costume des vivants, l'autre était déjà enveloppé dans les vêtements de la mort. Et toi aussi, jeune homme, tu es comme enveloppé dans tes habitudes vicieuses. Tu sais que le diable, de sa main de fer, étreint ton âme toujours plus fortement ; il y eut un temps où tu pouvais encore te dégager de cette étreinte ; tu étais maître de tes plaisirs, disais-tu : maintenant, tes plaisirs sont tes maîtres. Jeune homme ! j'en appelle à ta conscience, tes voies ne sont-elles pas des voies d'iniquité ? Tu n'oserais le nier ! Sans doute, tu n'es point arrivé aux dernières limites de l'immoralité et de l'infamie ; mais, en vérité, en vérité, je te le dis, mon frère : tu es mort ! tu es mort ! et si l'Esprit de, Dieu ne te vivifie, tu seras jeté dans la vallée de la géhenne, pour être en pâture au ver qui ne meurt point, mais qui dévore les âmes pendant l'éternité. Ah ! jeune homme, jeune homme, je pleure sur toi car si la pierre du sépulcre ne te recouvre pas encore, si ta corruption morale n'est pas tellement avancée que tu sois pour tes alentours un objet d'horreur et d'épouvante, cependant, tu as déjà fait plusieurs pas dans la carrière du vice, et qui peut dire où tu t'arrêteras ? Prends garde ! le péché est une pente glissante, et ne s'arrête pas qui veut sur cette pente... Lorsque le ver du sépulcre a commencé ses ravages, peut-on placer son doigt dessus, et lui dire : « Arrête-toi ? » Non, il poursuit son œuvre de destruction jusqu'au bout... Oh ! jeune homme, Dieu veuille te vivifier avant que tu sois parvenu à cette consommation de la mort que l'enfer soupire de te voir atteindre, et à laquelle le ciel seul peut te faire échapper! 

 

Une dernière observation au sujet du fils de la veuve de Naïn. La chambre de la jeune fille, avons-nous dit, était seule témoin de sa mort ; mais dans le cas de celui-ci, la mort, au contraire, se montrait au grand jour, puisque Jésus rencontra le convoi aux portes de la ville. C'est ainsi que chez la première classe d'âmes que j'ai essayé de décrire, le péché est plus ou moins secret ; mais chez toi, jeune homme, il est patent, il est manifeste. Tu ne crains pas de pécher à la face du soleil, à la face de Dieu même. Tes dérèglements ne sont un mystère pour personne ; aussi bien, tu ne tiens plus à sauver les apparences. « Je ne suis point un hypocrite », dis-tu d'un ton de bravade, « je n'ai aucune prétention à la sainteté ; je ne rougis pas de quelques écarts de jeunesse ». Ah ! jeune homme, jeune homme ! tandis que tu tiens ce langage, qui sait si ton père ne s'écrie pas dans l'amertume de son cœur : « Plût à Dieu que je fusse mort avant d'avoir vu mon fils se conduire comme il le fait ! Plût à Dieu que lui-même eût été couché dans la tombe, avant de s'être ainsi engagé dans les sentiers du vice ! Plût à Dieu que le jour même où je le contemplai pour la première fois, où mes yeux furent réjouis par la vue de mon fils, il eût été soudainement frappé par la maladie et la mort ! Oh ! oui, plût à Dieu que son âme enfantine eût été retirée au ciel, et qu'il n'eût pas vécu pour faire descendre avec douleur mes cheveux blancs au sépulcre ! ... » Jeune homme, tu le sais : ton inconduite avouée; ton inconduite qui s'étale, pour ainsi dire, aux portes de la ville, jette le trouble dans la maison de ton père, abreuve de douleur le cœur de ta mère. Oh ! je t'en conjure, arrête-toi !... Oh ! Seigneur Jésus, touche la bière en cet instant même ! Arrête quelque pauvre âme qui chemine dans la voie de la perdition, et crie-lui : « Lève-toi ! » Alors cette âme, ressuscitée en nouveauté de vie, pourra s'écrier avec nous tous, qui par ta grâce jouissons déjà de la vie : « Lorsque nous étions morts dans nos fautes et dans nos péchés, Dieu nous a vivifiés ensemble avec Christ, par le moyen de son Esprit ! » 

 

Et maintenant, nous arrivons à la troisième et dernière résurrection accomplie par notre Seigneur: celle de Lazare, de Lazare mort et enseveli. - Oh ! mes chers amis, je ne puis vous mener voir Lazare dans son sépulcre ! Retirez-vous, oh ! retirez-vous loin de lui !... Où fuir pour échapper à l'odeur infecte de ce corps en putréfaction ?... Non seulement tout vestige de beauté à disparu; mais c'est à peine si on reconnaît en lui une forme humaine. Oh ! hideux spectacle !... Je ne veux pas entreprendre de le décrire, les paroles me manqueraient ; d'ailleurs, vous ne pourriez m'écouter jusqu'au bout. Et de même, mes frères, je ne trouverais point d'expressions si je voulais décrire l'état moral d'une certaine catégorie de pécheurs. Mon front rougirait de confusion s'il me fallait vous dévoiler les œuvres de ténèbres accomplies chaque jour par les impies de ce monde, accomplies peut-être par quelques-uns de ceux qui m'écoutent en ce moment. Ah ! qu'elle est hideuse la dernière phase de la mort physique, la dernière phase de la dissolution ; mais la dernière phase du péché, combien n'est-elle pas plus hideuse encore!... Plusieurs de nos écrivains modernes paraissent avoir une aptitude particulière pour fouiller celle boue, pour remuer cette fange impure ; mais je le confesse, cette aptitude n'est pas la mienne ; aussi ne vous dépeindrai-je point, mes frères, les souillures et les turpitudes du pécheur consommé. Je passerai sous silence les abominables débauches, les convoitises dégradantes, les actions ignobles et diaboliques dans lesquelles se vautrent ceux chez qui la mort spirituelle a accompli tous ses ravages et chez qui le péché s'est manifesté dans toute son épouvantable laideur. Y a-t-il dans cet auditoire des êtres appartenant à cette classe de pécheurs ? Il se peut qu'ils ne soient pas nombreux, mais j'ose affirmer qu'il y en a. Inutile de dire qu'ils ne sont pas, comme la jeune fille, recherchés, caressés par les chrétiens, ou même comme le jeune homme, accompagnés de loin à leur dernière demeure ; non, les honnêtes gens s'enfuient à leur approche, tant est grande l'horreur qu'ils leur inspirent. Leurs femmes elles-mêmes, lorsqu'ils rentrent chez eux le soir, courent se cacher pour éviter leur contact. Ils sont montrés du doigt, ils sont l'objet du mépris de tous. Telle est la prostituée, de laquelle nous détournons nos regards quand nous la rencontrons dans la rue ; tel est le débauché scandaleux, à qui nous nous empressons de céder le pas, de peur qu'il ne nous touche en passant. Ces infortunés sont couchés dans le sépulcre de leurs vices ; les stigmates de la mort spirituelle sont empreints sur leur visage ; l'opinion publique a roulé la pierre sur eux. Ils savent qu'ils sont devenus un objet de dégoût pour leurs semblables ; ici même, dans ce lieu de culte, ils se sentent mal à l'aise, car ils n'ignorent pas que si leur voisin se doutait de ce qu'ils sont, il reculerait épouvanté. - Et notez bien un détail, mes frères : tandis que dans le cas du jeune homme la mort était pour ainsi dire de notoriété publique, dans le cas de Lazare, comme dans celui de la fille de Jaïrus, elle est secrète, elle est resserrée dans d'étroites limites ; seulement, chez Lazare, ce n'est plus dans la chambre funèbre qu'elle se cache, c'est dans la nuit du tombeau. Image frappante de ce qui a lieu dans le monde moral. 

 

En effet, lorsqu'un pécheur n'est qu'à demi enfoncé dans l'iniquité, il la commet ouvertement, mais lorsqu'il s'y est plongé tout entier, ses passions deviennent tellement dépravées qu'il est obligé de s'y livrer en secret. Il lui faut alors le silence et l'obscurité du sépulcre. Ses convoitises sont d'une nature si détestable, qu'il ne peut les assouvir qu'à l'heure de minuit ; sa corruption est si révoltante qu'elle a besoin d'être enveloppée de l'épais linceul des ténèbres. Peut-être ce Lazare spirituel est-il dans la condition la plus abjecte ; peut-être cache-t-il sa honteuse existence dans quelque bouge infect de quelque sombre ruelle. Mais peut-être aussi appartient-il à ce que l'on appelle les classes supérieures de la société et habite-t-il de somptueuses demeures. Ah ! mes frères, vous le dirai-je souvent, en écoutant les aveux que viennent constamment me faire des âmes travaillées et repentantes, je rougis pour l'humanité. Jusque dans les plus hautes régions de l'échelle sociale, se pratiquent les plus honteuses énormités. Il y a dans mon troupeau, dans mon Eglise, de malheureuses créatures dont la perte a été consommée par des hommes de grand nom, de grande naissance, haut placés, influents... La hardiesse de mon langage vous étonne peut-être : mais pourquoi craindrai-je de dire ce que d'autres ne craignent pas de faire ? L'ambassadeur de Dieu doit-il être moins hardi pour reprendre que les hommes ne le sont pour pécher? Oui, je le déclare hautement, dans tous les rangs de la société, il est des âmes qui sont comme en puanteur aux narines du Tout-Puissant, des âmes dont la corruption est plus hideuse qu'on ne saurait dire ! Elles doivent enfouir leurs désordres dans la tombe du mystère, sans quoi elles seraient huées, honnies, chassées de la société, - j'allais presque dire de l'existence !... Et cependant, ô admirable puissance de la grâce de Dieu ! cette dernière classe de pécheurs peut être sauvée aussi bien que la première. Lazare, déjà en proie à la corruption, peut aussi aisément sortir du tombeau que l'enfant endormie de son lit. La créature la plus avilie, la plus dégradée peut, tout comme une autre, ressusciter en nouveauté de vie, et être amenée à s'écrier, elle aussi : « Lorsque j'étais morte dans mes fautes et d'ans mes péchés, Dieu m'a vivifiée par Christ. » 

 

J'espère, mes chers auditeurs, que vous avez bien saisi la vérité importante sur laquelle je viens de m'étendre si longuement, à savoir : que tous les hommes, sans exception, sont, par nature, également morts, mais que la mort se manifeste en eux sous un aspect différent. 

 

(à suivre)

Charles SPURGEON

 

 

 

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