L'EGLISE LOCALE : SOCIÉTÉ OUVERTE OU FERMÉE ?
Une première question qui nous permettra d'éclairer le problème sera de savoir, si l’église primitive était une société ouverte où une société fermée.
Une société ouverte est une collectivité dans laquelle on pénètre avec un minimum de conditions : la population d’une ville, la clientèle d’un magasin, l'auditoire d’une conférence sont des types extrêmes de sociétés ouvertes. Les conditions d'appartenance à ces sociétés se limitent aux hasards de la naissance ou des intérêts, à l’attrait matériel ou intellectuel. Beaucoup de grandes églises sont devenues de telles sociétés ouvertes dans lesquelles on entre par la naissance, on reste par conviction — ou par inertie — les conditions d'appartenance n'étant guère plus sévères que celles qu’on impose à la clientèle d’un magasin ou à l'auditoire d’une conférence.
A l'extrême opposé nous trouvons la société fermée : n’y pénètre que celui qui en fait la demande et qui a satisfait aux exigences du règlement d'admission. Dans les religions à mystère de l'Antiquité par exemple (comme dans les actuelles sociétés franc-maçonniques) ceux qui avaient subi les épreuves prescrites et souscrit aux engagements demandés étaient seuls admis.
Dans le Nouveau Testament l’Eglise nous apparaît à la fois comme une société fermée et une société ouverte.
En effet : |
1. Son nom est emprunté à une société fermée. L'ékklésia grecque n’était ouverte qu'aux citoyens de la ville. Ne faisaient partie de la qâhâl juive que les circoncis. Comme le constate E.A. Judge, le Nouveau Testament se sert souvent des termes qui étaient employés pour caractériser les exclus des différentes sociétés civiles « étrangers, pèlerins… » (v. Eph. 2.19 ; Hbr. 11.13 ; 1 Pi. 1.17 ; 2.11) pour parler de l’état des chrétiens avant leur conversion, avant leur rattachement à l’Eglise. 2. Les détails donnés sur l’organisation de l’église font apparaître une société aux contours nettement délimités.
Il est question de membres (Act. 12.2) dont le nombre bien défini peut augmenter (Act. 2.47 ; 9.31 ; 16.5) ou diminuer soit par des défections (Hbr. 10.25 ; 1 Jn. 2.19) soit par des exclusions (1 Cor. 5.2; 3 Jn. 10). Il y a des « assemblées plénières » (1 Cor. 14.23). On peut « convoquer l’église » (Act. 14.27), donc on en connaît
les membres de façon précise.
3. Un certain nombre d’expressions qui émaillent les épîtres présupposent un cadre collectif homogène, une structure bien définie. Des formules comme : « frères parmi vous (Jq. 3.1), au milieu de vous, quelqu'un de vous, aucun de vous, vous tous qui êtes en Jésus-Christ (1 Pi. 5.14), les uns les autres (qui revient cent fois) »… supposent un groupe précis dans lequel les uns connaissent les autres, où on sait distinguer ceux qui sont « parmi vous » de « ceux du dehors », où on peut veiller les uns sur les autres, s’exhorter les uns les autres, avoir soin les uns des autres, etc. (v. Col. 3.16 : 1 Cor. 12.25 ; Hbr. 20.25, etc.)
D'après tous ces passages l’église primitive nous apparaît donc comme une société du type fermé ; cependant certains versets nous montrent que les réunions étaient ouvertes aussi à tous : « Si donc, dans une assemblée de l’Eglise entière, tous parlent en langues, et qu’il survienne des hommes du peuple ou des non-croyants, ne diront-ils pas que vous êtes fous ? » (1 Cor. 14.23). Dans une assemblée de l'église pouvait donc survenir un non-croyant.
Même situation sans doute dans Jq. 2.2-4 : « supposé qu’il entre dans votre assemblée un homme avec un anneau d’or et un habit magnifique et qu’il y entre aussi un pauvre misérablement vêtu... » ; il n’est pas précisé si ces visiteurs sont des frères ou non. D’ailleurs comme « en Orient on entre chez les autres comme chez soi, sans se gêner, (cf. Luc 7.36 ss.), à plus forte raison (le fait-on) dans une assemblée qui a un caractère public ». (J. Chaine.) L'église ne pouvait donc pas être une société entièrement fermée. Mais ces passages, surtout le premier qui est clair, montrent nettement qu’on distinguait entre « l’église » et « l’homme du peuple, le non-croyant ».
(à suivre)
Alfred KUEN
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