BELLE MAIS STERILE

 

BELLE, MAIS STÉRILE

 

« Donne-moi des enfants, ou je meurs ! »

(Genèse 30.1)

 

          De toute évidence, Jacob préférait nettement Rachel à Léa ; cependant, la joie habitait le cœur de Léa parce qu’elle a eu des enfants. Songez que Jacob travailla pendant quatorze ans pour obtenir Rachel ; toutefois, cette admirable dévotion n’apporta aucun réconfort à cette femme frappée de stérilité. Sans nul doute, Jacob lui manifesta son amour en la couvrant de bijoux, comme c’était la coutume à cette époque ; mais toutes ces broutilles extérieures ne lui procuraient aucune consolation. Bien que Rachel fut « belle de taille », elle ne trouvait aucune compensation dans sa propre beauté ou dans l’admiration d’autrui, car elle n’avait pu concevoir. La terrible réalité s’imposait ; Léa avait quatre bambins souriants dans ses jupes, et les hommes se moquaient de Rachel, la stérile, et les femmes lui lançaient leurs traits enflammés. J’imagine Rachel – les yeux rougis par les larmes, les cheveux défaits, la voix enrouée par les pleurs et les gémissements – se présentant devant Jacob, contrariée par sa stérilité, humiliée, désespérée par son état, et s’écriant d’une voix perçante : « Donne-moi des enfants, ou je meurs ! » Ce cri transperça le cœur de Jacob, comme si une épée avait entaillé sa chair.

          Pour spiritualiser cette scène, Rachel ne formula pas une prière routinière mais désespérée, car elle se sentait accablée de chagrin, couverte de honte, mortifiée par sa stérilité.

          Prédicateur, si ton âme est stérile, si les larmes n’embuent pas tes yeux, si les convertis n’accourent pas à l’autel, alors ne te repose pas sur ta popularité ; refuse la consolation de tes diplômes ou des livres que tu as écrits ! Avec sincérité, mais aussi avec passion, invite le Saint-Esprit à accabler ton cœur de chagrin parce que tu es incapable de donner naissance spirituellement. Oh, l’opprobre de nos autels stériles ! Le Saint-Esprit prend-il plaisir à nos orgues électriques, à nos salles recouvertes de moquette, aux nouvelles décorations, tandis que le berceau reste vide ? Jamais de la vie ! Oh, si seulement le silence mortel du sanctuaire pouvait être rompu par le cri béni de nouveau-nés !

 

Léonard RAVENHILL

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