Lettre ouverte à Jonathan (2e partie)

 

LETTRE OUVERTE A JONATHAN

(2° partie)

 

          Ton amitié pour David résiste à l’épreuve du temps, des événements et des gens. Tu es fidèle, et constant. J’admire !

          Lorsque ton père reconnaît devant trois mille hommes d’élite que David régnera, et que la royauté d’Israël restera entre ses mains (1 Samuel 24. 21), tu n’éprouves ni envie, ni jalousie. Quelle grandeur d’âme ! Le petit berger ne prendra-t-il pas la place qui te revient, à toi, le prince d’Israël ? Le trône t’échappe. Qu’importe ! Tu aimes, et tu t’effaces. Comment ne pas imiter un tel renoncement ? Comment ne pas céder le trône de ma vie au seul Roi légitime, le Seigneur Jésus ? « Il faut qu’il règne », dit l’Écriture (1 Corinthiens 15.25). « Que ton règne vienne », ô Berger Souverain ! Dans ma vie, d’abord. Jusqu’ici, n’ai-je pas été le piètre monarque d’une existence marquée du sceau de la défaite? Toi, tu es puissant, glorieux, parfait pour l’éternité. Affermis donc en moi la droiture, exerce en mon cœur la justice et l’équité !

 

          Cher Jonathan, ton inébranlable attachement à la personne de David est remarquable. Ton père se laisse emporter par la jalousie, la haine, jusqu’à respirer le meurtre contre ton ami. A plusieurs reprises, tu prends des risques, pour informer David des humeurs et des intentions de ton père.

          Tu aimes, au point d’exposer ta vie pour le futur roi. Souviens-toi : lors d’un fameux repas, alors que David s’absente sciemment, Saül, ton père, fou de rage, dirige sa lance contre toi, pour te frapper (1 Samuel 20.33). Cette même lance plus d’une fois dirigée contre ton ami, est pointée maintenant contre ta personne. Ton père ne supporte pas ta grande affection pour le fils d’Isaï. Hier, tu as donné ton manteau à David, aujourd’hui il te revêt de son opprobre. Tu lui as offert ton épée et ton arc, il t’invite à partager son rejet. Tu lui as fait don de ta ceinture, il te propose de le suivre sur le chemin de sa « faiblesse ».

          Sais-tu que la Nouvelle Alliance a engendré une légion de « Jonathan » ? Comme toi, ils n’ont pas aimé leur vie, jusqu’à craindre la mort (Apocalypse 12.11) : Paul, qui déclare : « Je ne fais pour moi-même aucun cas de ma vie, comme si elle m’était précieuse, pourvu que j’accomplisse ma course avec joie, et le ministère que j’ai reçu du Seigneur Jésus » (Actes 20.24) ; Prisca et Aquilas, « qui ont exposé leur tête » pour sauver la vie de l’apôtre Paul (Romains 16.3-4) ; Étienne, le martyr, lapidé à Jérusalem (Actes 7.59-60) ; Antipas, le témoin fidèle de Christ, mis à mort à Pergame (Apocalypse 2.13) ; et l’innombrable cohorte des héros de la foi - vieillards, adultes, jeunes, enfants – qui ont payé au prix fort leur amour sans limite pour Jésus.

          En repensant à toi, Jonathan, je me suis dit : Et moi, jusqu’où suis-je prêt à aller pour mon Roi ?

 

          Plus tard, tu rencontres secrètement David, dans la forêt de Ziph. Encore une fois. La dernière. Mais tu ne le sais pas. Tu l’encourages, tu fortifies sa main en Dieu, tu déclares avec foi que la main de ton père ne l’atteindra pas, tu vas même jusqu’à proclamer : « Tu régneras sur Israël, et moi, je serai au second rang près de toi ; Saül, mon père, le sait bien aussi » (1 Samuel 23.16-17) Que de belles paroles ! Tous deux, vous concluez une alliance devant l’Éternel, prolongement logique de ta foi, de ta consécration, de ton engagement fidèle.

          David reste dans la forêt. Et toi, tu t’en vas chez toi ? Jonathan, je ne te comprends plus. Que t’arrive-t-il ? Tu sais que David est le futur roi ; qu’il est l’homme selon le cœur de Dieu. Tu sais aussi que l’homme à la tête du royaume, Saül, ton père, est rejeté par Dieu depuis longtemps. Tu as été le témoin de sa jalousie, de sa haine, de sa fourberie, de ses mensonges, de ses « magouilles » pour en finir avec David. Tu connais sa soif du pouvoir et son esprit de domination qui l’ont poussé à tuer quatre-vingt sacrificateurs innocents et fidèles ; et ce, pour le seul motif d’avoir de bons sentiments à l’égard de David. Tu n’ignores pas que le « système » sur lequel ton père règne est en train de vaciller, bâti sur la désobéissance, la recherche des places, des honneurs humains. Jonathan, si tu savais que la veille de sa mort, ton père irait même jusqu’à se livrer à une séance de spiritisme !

          Décidément, Jonathan, je ne te comprends pas. Je ne te comprends plus. Pourquoi rentres-tu chez toi ? Pourquoi retournes-tu dans le « système », « l’organisation », le « mouvement », le « royaume » de ton père ? Tu sais que Dieu l’a rejeté. Qu’espères-tu ?

          Que de questions m’ont assailli et troublé ! Voulais-tu, en attendant que les vents tournent dans la direction de David, « ménager la chèvre et le choux » ? Garder une place confortable dans le système, pour t’éviter des ennuis, tout en chérissant le moment où tu serais aux côtés du nouveau roi ? Ziph, la forêt de l’humiliation et du rebut, de l’oubli et de l’ingratitude, de l’inconfort et de l’insécurité, de la solitude et des larmes, de la faiblesse et du mépris, de la persécution et de la calomnie ; Ziph, la forêt des derniers, des balayures, des condamnés, te faisait-elle peur ?

 

          Jonathan, tu restes dans un royaume que Dieu a rejeté. Tu ne reverras jamais David, que tu as pourtant aimé et servi fidèlement.. Tu ne connaîtras jamais son règne. Ce n’est pas Jérusalem qui t’attend. Tu as rendez-vous avec la mort sur la montagne de Guilboa. Tu vas périr dans le royaume-même dont tu n’as pas eu le courage de sortir. Les Philistins vont te tuer, toi, ton père et tes frères.

 

          Ah ! Guilboa, « fontaine qui jaillit », « fontaine bouillonnante », selon la signification de ton nom, que n’aies-tu jamais déversé tes flots sur Jonathan ! Si près de son règne, David n’aurait pas été dans la douleur. Il n’aurait pas composé le regrettable « cantique de l’arc *».

 

Paul BALLIERE

www.batissezvotrevie.fr

 

* Voyez notre article « Le cantique de l’Arc » dans la rubrique « édification » (NDLR)

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